La publication
récente du cartulaire de l’abbaye de Landévennec par les Presses universitaires
de Rennes a permis à plusieurs spécialistes de donner un point
de vue motivé et circonstancié sur différents aspects de ce document. Cependant, il nous semble que cette approche demeure
incomplète : il manque en particulier, pour compléter la rapide esquisse
qu’en donne Yves Morice dans son excellente contribution, une étude plus approfondie
de la relation qu’entretient le « cartulariste » avec l’hagiographe ; étude qu’il ne saurait être
question d’entreprendre ici, mais dont il nous a semblé utile de souligner à
nouveau l’intérêt.
Tout d’abord quelques
mots de présentation en forme de bref rappel. L’époque de la composition, à
l’« écritoire »
de Landévennec, des principaux textes hagiographiques qui forment le dossier
littéraire de Guénolé peut être circonscrite avec assez de précision : son
terminus ad quem est fixé à 884,
l’année de la finalisation de la vita
de Paul Aurélien [BHL 6585]
par Wrmonoc, lequel s’affirme
explicitement comme le disciple de l’abbé Wrdisten, dont il mentionne
« l’ouvrage en plusieurs livres » sur le fondateur de l’abbaye
cornouaillaise. Quant à
son terminus a quo, il nous est
fourni par un autre moine du lieu, Clément, auteur d’une hymne en l’honneur de
Guénolé, qui indique avoir travaillé sous le règne de Salomon et le
« rectorat » de Rivelen (Tempore
quo Salomon Britones rite regebat/Cornubie rector quoque fuit Riuelen),
synchronisme qui révèle un souci de la précision digne d’un rédacteur de charte ;
cette hymne était connue de Wrdisten, qui en cite deux vers et évoque avec
émotion la disparition précoce de son auteur.
La filiation spirituelle et littéraire de ces trois générations d’hagiographes
apporte un précieux éclairage contemporain sur « le petit monde des
lettrés bretons », comme l’avait désigné avec bonheur le regretté Bernard
Merdrignac[10].
Du moine Clément, il faut se
résoudre à ne connaître que le nom, l’époque à laquelle il a travaillé et à
savoir que sa disparition précoce, au-delà de l’éloge convenu, avait laissé des
regrets. En revanche, Wrdisten nous est mieux connu « avec sa
personnalité, ses dons, sa piété, ses qualités de gouvernement et d’écriture,
et jusqu’à ses défauts et ses manies ».
Cornouaillais déterminé, il appartenait probablement à l’aristocratie locale,
dont il avait conservé le caractère belliqueux : voyez « quand il
campe s. Guénolé comme un chef de guerre qui harangue ses troupe en II,
1 »
ou comment « il vibre chaque fois qu’il évoque les hauts faits de Gradlon
(alias Salomon) face aux Normands ».
Quant à son éducation soignée, elle s’est sans doute déroulée en dehors de
Cornouaille : on a récemment évoqué Fleury-sur-Loire ou même Tours ;
mais le réseau plus ou moins invisible des relations monastiques
doit tout aussi bien orienter nos recherches pour cette époque vers Saint-Florent-le-Vieil
(Mont-Glonne) ou, à moindre distance de Landévennec, vers Saint-Sauveur de
Redon.
Dans son étude déjà mentionnée[17],
F. Kerlouégan a d’ailleurs posé la question « Landévennec à l’école de
Saint-Sauveur de Redon ? » avant de trancher par la négative, contre
l’avis de Dom Marc Simon, pourtant moine de Landévennec et donc peu suspect de
parti-pris en faveur de l’abbaye carolingienne des bords de la Vilaine[18].
Le cartulaire de ce monastère conserve d’ailleurs un acte passé en 867 à
Peillac dans lequel figure, entre autres témoins, un certain Uurdisten :
même s’il s’agit vraisemblablement d’une coïncidence, on ne peut pas
complètement exclure d’avoir affaire à notre personnage, car l’expression vague
et convenue multis nobilibusque viris
pour désigner les dix-huit personnes qui, outre le comte Rivelen, attestent
l’acte en question, peut en fait s’appliquer également à des membres du
personnel ecclésiastique ou monastique local.
L’essentiel du
matériau hagiographique de Guénolé a donc été constitué aux années 857-884,
comme l’avait déjà fait remarquer, voilà bientôt un siècle, un honnête érudit
breton, François Jourdan de la Passardière.
Si cette opinion demeure très largement
indépassable sous certains aspects, il nous semble loisible de supposer que la vita composée par Wrdisten – outre une
« reformulation très condensée » à visée très utilitariste,
constituée par l’homelia ad populum
en 12 leçons [BHL 8959],
et l’ouvrage de circonstance adressé à l’évêque d’Arezzo [BHL 8960]
– a pu être actualisée par son auteur à
une époque aussi tardive que celle de l’exode des moines suite à la destruction
de l’abbaye en 913.
Notons enfin que le principal
manuscrit-relais des œuvres de Clément et de Wrdisten est celui qui est
conservé à la bibliothèque municipale de Quimper sous le n°16 (milieu du XIe
siècle avec quelques additions légèrement postérieures et de nombreuses notes
marginales plus tardives)[25] ;
manuscrit habituellement désigné comme le « Cartulaire de l’abbaye de
Landévennec »[26]
et qui a servi de base à la dernière édition de ce document.
***
Comme la remarque en a été
faite depuis longtemps[27],
ce qui distingue le cartulaire de Landévennec entre tous ceux qui ont été
produits en Bretagne au Moyen Âge[28],
c’est sa dimension hagiographique hypertrophiée : figure en effet dans le
manuscrit en question, avant le mince corpus d’une cinquantaine d’actes qui
justifient sa désignation, un important dossier littéraire consacré à Guénolé
et qui comprend 1°) le récit, inséré au XIIe siècle, d’un miracle du
saint au profit d’un jeune garçon victime de la foudre [BHL 8966], témoignage
de la vitalité de son culte au Moyen Âge central; 2°) une vita prosimétrique composée par
Wrdisten, dans le cadre d’un opus geminum,
dont témoigne le troisième livre qui résume en vers la biographie du
saint ; 3°) trois hymnes en son honneur, dont l’une composée par le moine
Clément ; 4°) une homélie pour l’office de sa fête, attribuable là encore
à Wrdisten ; 5°) enfin la vita
d’Ethbin, lequel est assimilé en
l’occurrence à un saint cornouaillais nommé Idunet. Le cartulaire de l’abbaye
de Landévennec constitue ainsi la parfaite antithèse de celui de l’abbaye de
Redon, compilé sensiblement à la même époque[29], dont les auteurs n’ont intégré aucune
production hagiographique, pas même les Gesta
sanctorum Rotonensium qui constituent pourtant le véritable « roman
des origines » de la communauté monastique locale[30].
Joëlle Quaghebeur s’est
efforcée, dans sa belle thèse sur la Cornouaille du IXe au XIIe
siècle, soutenue en décembre 1994[31],
de concilier l’approche traditionnelle, érudite, du matériau diplomatique modeste,
tardif et disparate, sorti de l’« écritoire » de Landévennec, avec
une réflexion de nature quasi anthropologique sur la Mémoire, sa transmission
ou sa destruction, sa préservation ou sa falsification — notamment en ce qui
concerne le personnage de Gradlon[32]
— par le biais d’un questionnement qui, déjà, mettait en évidence l’importance
de la dimension hagiographique dans le projet et dans la conception même du
cartulaire. Comme en écho, le regretté Jean-Christophe Cassard publiait en 1995
un article consacré à « la mise en texte du passé par les hagiographes de
Landévennec au IXe siècle »[33] où, appliquant dans le domaine de la littérature hagiographique
le concept d’« effet de réel » élaboré par R. Barthes, il
s’interrogeait lui aussi sur la « mémoire monastique », son
authenticité et les « vecteurs » de sa transmission[34] :
là encore, mais très sommairement hélas, était évoqué le personnage de Gradlon[35] ;
cet article, que l’on pourrait qualifier à plus d’un titre de fondateur,
n’a malheureusement pas connu, semble-t-il, la réception qu’il méritait[36]
–
peut-être parce que la très bonne revue qui l’a accueilli est une publication
de dimension trop régionale. Au-delà du possible souvenir de quelques
« faits vrais » qui pourraient être intervenus à l’époque du saint[37],
si du moins l’existence historique de ce dernier était confirmée, et du
« palimpseste hagiographique » décelable sous les réécritures successives
des vitae de saints bretons – et qui, selon B. Merdrignac,
conserverait les vestiges ténus d’une riche culture profane, majoritairement
orale[38]
–,
« les moines écrivains n’ont pas vocation à faire œuvre
d’historiens »[39]
rappelait J.-C. Cassard, ce qui rend vaines les minutieuses tentatives de
reconstitution et de synchronisation auxquelles les historiens de la Bretagne
se sont depuis toujours livrés, mais tout autant les hypercritiques de F. Lot
et particulièrement dérisoires les accusations de forgeries portées à
l’encontre des hagiographes bretons par le Maître parisien et ses épigones de
l’ÉPHÉ ; à cette occasion, J.-C. Cassard proposait du matériau concerné
une longue, riche et dense définition qui nous paraît avoir conservé toute son
actualité :
« Les Vies sont en effet, avant toute autre chose, des œuvres littéraires composées dans une
optique particulière qui sous-tend l’ensemble du travail de recollection et
d’exposition du passé effectué par leurs auteurs, au demeurant des hommes de
grande qualité et de haute culture. Fondamentalement, elles se présentent comme
des récits de vérité. Des récits de
vérité sur les origines monastiques, des récits qui s’imposent à la vénération
des frères présents et à venir – qu’ils imprégneront d’autant plus qu’ils contribuent à leur
formation aux lettres latines –, voire, de façon seconde, à celle des laïcs de leur
entourage ou des clercs séculiers qui les recevront pour une raison ou pour une
autre. Ce sont à proprement parler des actes de foi appelés à devenir des
« autorités », au sens médiéval d’auctoritas »[40].
Le second trait qui caractérise
le cartulaire de Landévennec, c’est le soin pris, au moment de sa compilation,
à recopier fidèlement et à transmettre des textes vieux de près de deux siècles
sans apparente volonté de procéder sinon à leur rajeunissement, du moins à leur
actualisation[41].
En revanche, il faut souligner que, si Gradlon, employé dans l’hymne de Clément
et surtout dans l’ouvrage de Wrdisten[42], a en effet
considérablement inspiré le compilateur qui, au mépris même de ses sources[43],
attribue à ce personnage la plupart des donations au profit de l’abbaye, le
dossier hagiographique n’a pas été utilisé – sinon à la marge, en quatre ou cinq occasions[44]
– lors
de la tentative assez vaine de reconstitution des actes du monastère par le « cartulariste ».
***
Le profil de ce
« cartulariste », renforcé par son anonymat, est difficile à
esquisser : lui aussi moine du lieu bien évidemment, comme l’avaient été
Clément et Wrdisten, et, comme eux, dévot du saint fondateur dont il a résumé à
grand traits l’existence dans les deux premières notices du cartulaire (n°2 et
3), nous savons qu’il a travaillé sous l’abbatiat d’Elisuc (1047-55), qui
pourrait donc tout aussi bien être notre homme, à moins que cet abbé ne se fût
contenté de donner ses instructions à un maître d’œuvre en charge de
l’opération de « cartularisation ».
Dans un cas comme dans l’autre, il est également possible que, des deux
scribes, là encore anonymes, qui se sont partagés le travail d’écriture, celui
qui s’est adonné à la partie diplomatique ait travaillé, au moins partiellement,
non pas comme un copiste, mais sous la dictée (dictamen) du maître d’oeuvre : ainsi pourraient s’expliquer
certaines des imperfections de la « transcription » de tel ou
tel acte, le texte de ceux-ci ayant été,
pour une large part, « improvisé » par le dictator à partir de matériaux dont la nature et la datation
demeurent très discutées[46].
A l’inverse, il ne semble pas douteux, comme en témoignent ses rares repentirs,
que le scriptor qui était en charge
de la partie hagiographique, avait sous les yeux des manuscrits qu’il a
recopiés sinon intelligemment, du moins fidèlement.
On peut observer qu’à
l’exception de Guénolé ainsi que de Corentin, Rioc et Tugdual, les saints dont
les noms sont employés dans les chartes, notamment Guénaël, qui est pourtant
présenté comme le successeur immédiat de Guénolé sur le siège abbatial, ne
figurent pas dans le dossier littéraire constitué à Landévennec à l’époque
carolingienne. En revanche, ont par la suite emprunté à plusieurs reprises des
matériaux du cartulaire les auteurs des ouvrages consacrés à Goëznou, à Goulven
et à Hervé, énumération qui ne prétend nullement à l’exhaustivité. Par
ailleurs, on constate que le personnage du roi Gradlon a été employé dans les
biographies de Corentin, de Gurthiern, de Jacut, de Ronan et de Turiau.
Le plus tardif de ces textes paraît être la vita
de Corentin qui, sous sa forme actuelle, a probablement été composée sous l’épiscopat
de Rainaud (1219-1245) et
vraisemblablement par le prélat lui-même[49]. Quant aux autres textes,
leur composition est sans doute à
rapporter aux XIe-XIIe siècles : la mobilisation de
Gradlon peut en effet s’interpréter assez aisément comme une démarche de
légitimation des droits politiques des ducs de Bretagne issus de la dynastie
cornouaillaise après que le comte Hoël eut ceint la couronne ducale
; car si la présence du mythique roi de Cornouaille n’est évidemment pas
incongrue dans les ouvrages consacrés à Gurthiern et à Ronan, elle est déjà
beaucoup plus étonnante dans celui qui traite de Jacut, dont le culte est resté
très largement confiné au nord de la Bretagne, et elle s’avère véritablement
surprenante en ce qui concerne la biographie de Turiau[51].
***
Voici donc mise en exergue
l’une des fonctions essentielles de la littérature hagiographique, dont le « recyclage »
permanent constitue le principal aspect : soutenir les prétentions
politiques, juridiques et économiques de celui qui a commandité l’œuvre et, corollairement
obtenir du commanditaire qu’il confirme au groupe au sein duquel a été recruté
l’hagiographe les revendications de même ordre exprimées par la communauté
concernée. Ainsi, à Landévennec, depuis Wrdisten, le chantre de Guénolé au
second siècle carolingien, jusqu’au « cartulariste » du milieu du XIe
siècle, on peut observer le même souci de recourir à l’hagiographie pour
légitimer la possession et l’exploitation des différents loca revendiqués par les moines. L’exemple de la vita d’Ethbin [BHL 2621], qui n’appartient
pas stricto sensu au dossier
littéraire de Guénolé de Landévennec et qui paraît plus tardive,
est à cet égard particulièrement significatif.
Le saint en question est d’abord présenté comme un
disciple de Samson de Dol par son hagiographe ; puis celui-ci le met en
relation avec Similien, abbé du monastère de Tauracus (non localisé)[53]
et avec un certain Guénolé[54]. Dans la
première partie de sa transcription, le scribe a substitué au nom d’Ethbin
celui d’Idiunet, saint moine dont la première notice du cartulaire nous dit
qu’il était le « frère » de Guénolé (sans doute s’agit-il d’une parenté
spirituelle) ; mais très vite le nom d’Ethbin revient sous sa plume. Que
le scribe ait souhaité, en conservant les deux noms dans sa transcription,
informer le lecteur de l’identité qu’il établissait entre les deux saints[55] ;
ou, à l’inverse, que ce soit son manque de rigueur qui dénonce, malgré lui, la
falsification à laquelle il s’est livré[56],
peu importe en fait pour notre propos : ce qui est net et remarquable,
c’est que la vita d’Ethbin traite de
saints dont l’origine doloise est explicite. Cette attribution constitue un
indice assez sûr qu’il existait un culte dolois de Guénolé ; en outre, ce
culte était rendu à un homonyme distinct du fondateur de Landévennec.
Au temps de la compilation du cartulaire de leur
abbaye, les moines de Landévennec revendiquaient la possessioncula dite villa
Lancolvett qui est à l’origine de Locquénolé et qui s’étendait à l’époque
sur un territoire plus vaste (a mare
usque ad mare) ;
mais très tôt le même lieu est présenté comme une dépendance de l’abbaye de
Landoac et comme une enclave de l’évêché de Dol dans celui de Léon. E. Vallérie
écrit que Locquénolé « est le seul point où soient attestées
successivement l’influence de Landévennec et celle de Dol »[58]. Pour
notre part, il nous semble que c’est moins l’influence de Dol que celle de
Landoac qui s’est manifesté à Locquénolé. Il convient également de prendre en
compte le fait que le prélat qui siégeait à Saint-Pol-de-Léon au temps où les
moines de Landévennec revendiquaient la possession de ce locus était un certain Omnes,
originaire de Cornouaille et membre de la familia
comtale, intéressé, on en conviendra, à ce que Landévennec conserve son statut
prééminent entre les différentes abbayes bretonnes ; mais rien n’empêche
que le culte de Guénolé à Locquénolé ait été primitivement rendu au saint
dolois de ce nom et ne doive rien là encore au fondateur de Landévennec. Par
ailleurs les incontestables emprunts au dossier hagiographique de Guénolé dont
témoigne l’ouvrage consacré à la vie et aux miracles des saints Jacut et Wethenoc,
composé à Landoac, sont peut-être moins la marque de l’influence de Landévennec
en ce lieu que l’indice d’échanges entre les hagiographes des deux
abbayes : il faut dès lors envisager que la vita d’Ethbin se
conservait à Landoac avant d’être communiquée pour y être copiée au scriptorium
de Landévennec ; en retour, le biographe des saints Jacut et Wethenoc
aurait reçu copie d’une vita de Guénolé pour servir à la composition de
son propre ouvrage.
Ainsi, au Moyen Âge, l’interpénétration entre
la dimension hagiographique de l’histoire d’une église, cathédrale, abbatiale,
canoniale, paroissiale, et les aspects politico-juridiques et économiques qui
constituaient le quotidien de l’existence de ses membres apparaissait sans
doute comme évidente à ceux-ci et venait relativiser sinon justifier à leurs
yeux le recours à la forgerie ou à la falsification, dont on vient de voir un
exemple à Landévennec avec le cas d’Ethbin alias Idiunet. De nombreux
historiens, ayant longtemps témoigné une confiance excessive à l’égard de ce
type de sources, se sont par la suite montrés durablement et tout aussi
excessivement méfiants à leur égard. Cependant, le débat aujourd’hui ne se
situe plus strictement, comme à l’époque positiviste, sur la nécessité – qui évidemment demeure – de distinguer entre le « vrai »
et le « faux », notamment en ce qui concerne les actes de la
pratique, mais plutôt sur l’apport à l’histoire intellectuelle et à l’histoire
des mentalités du document forgé ou falsifié : « … Le faux, une fois critiqué,
peut être réintégré dans sa dignité de document historique : un document,
bien sûr, sur le faussaire, ses motifs, sa conception du monde et de la
société, ses méthodes de travail ».
***
La
« cartularisation » de l’hagiographie, à Landévennec comme ailleurs,
doit donc être examinée dans le cadre
d’une double approche, littéraire et
historique, seule capable de refléter dans son ensemble le projet mené par
le « cartulariste » ; le cartulaire doit ainsi être traité comme
un « objet historique » véritable et non plus limité à sa seule
dimension de « conservatoire » d’actes, laquelle au demeurant
correspond mieux au chartrier, du moins quand celui-ci a subsisté. C’est dans
le cadre élargi de cette (re)définition du cartulaire que le profil du
« cartulariste » – qu’il s’agisse du donneur d’ordre, du maître d’œuvre ou du
scribe, qui, à l’occasion, pouvaient se trouver réunis dans la même personne –, mais aussi ses ambitions et
ses objectifs, ainsi que son savoir-faire et sa pratique d’« auteur »,
doivent faire l’objet, tout autant que ceux de l’hagiographe, d’un intérêt particulier
et d’un traitement spécifique.
André-Yves Bourgès
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