"L’Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat, parce que l’Histoire, et au-delà les sciences humaines, est menacée par la posture utilitariste dominante dans notre société, pour laquelle seul ce qui est économiquement et immédiatement rentable est légitime : le reste n’est que gaspillage de temps et de deniers publics. Dans cette situation, l’Histoire médiévale est dans une situation paradoxale puisque s’ajoute à ce déficit général de légitimité des sciences humaines un détournement généralisé du Moyen Âge à des fins variées, jouant tantôt sur le caractère irrationnel et sauvage prêté à la période, tantôt sur la valeur particulière des « racines » médiévales. Le Moyen Âge devient ainsi un réservoir de formules qui servent à persuader nos contemporains d’agir de telle ou telle manière, mais n’ont rien à voir avec une connaissance effective de l’Histoire médiévale."

J. MORSEL, L'Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat... (ouvrage téléchargeable ici).

25 avril 2016

De l’hagiographe au « cartulariste » : le cartulaire de Landévennec



La publication récente du cartulaire de l’abbaye de Landévennec par les Presses universitaires de Rennes[1] a permis à plusieurs spécialistes de donner un point de vue motivé et circonstancié sur différents aspects de ce document[2]. Cependant, il nous semble que cette approche demeure incomplète : il manque en particulier, pour compléter la rapide esquisse qu’en donne Yves Morice dans son excellente contribution, une étude plus approfondie de la relation qu’entretient le « cartulariste »[3] avec l’hagiographe ; étude qu’il ne saurait être question d’entreprendre ici, mais dont il nous a semblé utile de souligner à nouveau l’intérêt.

Tout d’abord quelques mots de présentation en forme de bref rappel. L’époque de la composition, à l’« écritoire »[4] de Landévennec, des principaux textes hagiographiques qui forment le dossier littéraire de Guénolé peut être circonscrite avec assez de précision : son terminus ad quem est fixé à 884, l’année de la finalisation de la vita de Paul Aurélien [BHL 6585][5] par Wrmonoc[6], lequel s’affirme explicitement comme le disciple de l’abbé Wrdisten, dont il mentionne « l’ouvrage en plusieurs livres » sur le fondateur de l’abbaye cornouaillaise[7]. Quant à son terminus a quo, il nous est fourni par un autre moine du lieu, Clément, auteur d’une hymne en l’honneur de Guénolé, qui indique avoir travaillé sous le règne de Salomon et le « rectorat » de Rivelen (Tempore quo Salomon Britones rite regebat/Cornubie rector quoque fuit Riuelen)[8], synchronisme qui révèle un souci de la précision digne d’un rédacteur de charte ; cette hymne était connue de Wrdisten, qui en cite deux vers et évoque avec émotion la disparition précoce de son auteur[9]. La filiation spirituelle et littéraire de ces trois générations d’hagiographes apporte un précieux éclairage contemporain sur « le petit monde des lettrés bretons », comme l’avait désigné avec bonheur le regretté Bernard Merdrignac[10].
Du moine Clément, il faut se résoudre à ne connaître que le nom, l’époque à laquelle il a travaillé et à savoir que sa disparition précoce, au-delà de l’éloge convenu, avait laissé des regrets. En revanche, Wrdisten nous est mieux connu « avec sa personnalité, ses dons, sa piété, ses qualités de gouvernement et d’écriture, et jusqu’à ses défauts et ses manies »[11]. Cornouaillais déterminé, il appartenait probablement à l’aristocratie locale, dont il avait conservé le caractère belliqueux : voyez « quand il campe s. Guénolé comme un chef de guerre qui harangue ses troupe en II, 1 »[12] ou comment « il vibre chaque fois qu’il évoque les hauts faits de Gradlon (alias Salomon) face aux Normands »[13]. Quant à son éducation soignée, elle s’est sans doute déroulée en dehors de Cornouaille : on a récemment évoqué Fleury-sur-Loire ou même Tours[14] ; mais le réseau plus ou moins invisible des relations monastiques[15] doit tout aussi bien orienter nos recherches pour cette époque vers Saint-Florent-le-Vieil (Mont-Glonne) ou, à moindre distance de Landévennec, vers Saint-Sauveur de Redon[16]. Dans son étude déjà mentionnée[17], F. Kerlouégan a d’ailleurs posé la question « Landévennec à l’école de Saint-Sauveur de Redon ? » avant de trancher par la négative, contre l’avis de Dom Marc Simon, pourtant moine de Landévennec et donc peu suspect de parti-pris en faveur de l’abbaye carolingienne des bords de la Vilaine[18]. Le cartulaire de ce monastère conserve d’ailleurs un acte passé en 867 à Peillac dans lequel figure, entre autres témoins, un certain Uurdisten[19] : même s’il s’agit vraisemblablement d’une coïncidence, on ne peut pas complètement exclure d’avoir affaire à notre personnage, car l’expression vague et convenue multis nobilibusque viris pour désigner les dix-huit personnes qui, outre le comte Rivelen, attestent l’acte en question, peut en fait s’appliquer également à des membres du personnel ecclésiastique ou monastique local[20].
L’essentiel du matériau hagiographique de Guénolé a donc été constitué aux années 857-884, comme l’avait déjà fait remarquer, voilà bientôt un siècle, un honnête érudit breton, François Jourdan de la Passardière[21]. Si cette opinion demeure  très largement indépassable sous certains aspects, il nous semble loisible de supposer que la vita composée par Wrdisten – outre une « reformulation très condensée » à visée très utilitariste, constituée par l’homelia ad populum en 12 leçons [BHL 8959][22], et l’ouvrage de circonstance adressé à l’évêque d’Arezzo [BHL 8960][23] – a pu être  actualisée par son auteur à une époque aussi tardive que celle de l’exode des moines suite à la destruction de l’abbaye en 913[24]. Notons enfin que le principal manuscrit-relais des œuvres de Clément et de Wrdisten est celui qui est conservé à la bibliothèque municipale de Quimper sous le n°16 (milieu du XIe siècle avec quelques additions légèrement postérieures et de nombreuses notes marginales plus tardives)[25] ; manuscrit habituellement désigné comme le « Cartulaire de l’abbaye de Landévennec »[26] et qui a servi de base à la dernière édition de ce document.

***
Comme la remarque en a été faite depuis longtemps[27], ce qui distingue le cartulaire de Landévennec entre tous ceux qui ont été produits en Bretagne au Moyen Âge[28], c’est sa dimension hagiographique hypertrophiée : figure en effet dans le manuscrit en question, avant le mince corpus d’une cinquantaine d’actes qui justifient sa désignation, un important dossier littéraire consacré à Guénolé et qui comprend 1°) le récit, inséré au XIIe siècle, d’un miracle du saint au profit d’un jeune garçon victime de la foudre [BHL 8966], témoignage de la vitalité de son culte au Moyen Âge central; 2°) une vita prosimétrique composée par Wrdisten, dans le cadre d’un opus geminum, dont témoigne le troisième livre qui résume en vers la biographie du saint ; 3°) trois hymnes en son honneur, dont l’une composée par le moine Clément ; 4°) une homélie pour l’office de sa fête, attribuable là encore à Wrdisten ; 5°) enfin la vita d’Ethbin, lequel  est assimilé en l’occurrence à un saint cornouaillais nommé Idunet. Le cartulaire de l’abbaye de Landévennec constitue ainsi la parfaite antithèse de celui de l’abbaye de Redon, compilé sensiblement à la même époque[29],  dont les auteurs n’ont intégré aucune production hagiographique, pas même les Gesta sanctorum Rotonensium qui constituent pourtant le véritable « roman des origines » de la communauté monastique locale[30].
Joëlle Quaghebeur s’est efforcée, dans sa belle thèse sur la Cornouaille du IXe au XIIe siècle, soutenue en décembre 1994[31], de concilier l’approche traditionnelle, érudite, du matériau diplomatique modeste, tardif et disparate, sorti de l’« écritoire » de Landévennec, avec une réflexion de nature quasi anthropologique sur la Mémoire, sa transmission ou sa destruction, sa préservation ou sa falsification — notamment en ce qui concerne le personnage de Gradlon[32] — par le biais d’un questionnement qui, déjà, mettait en évidence l’importance de la dimension hagiographique dans le projet et dans la conception même du cartulaire. Comme en écho, le regretté Jean-Christophe Cassard publiait en 1995 un article consacré à « la mise en texte du passé par les hagiographes de Landévennec au IXe siècle »[33] où, appliquant dans le domaine de la littérature hagiographique le concept d’« effet de réel » élaboré par R. Barthes, il s’interrogeait lui aussi sur la « mémoire monastique », son authenticité et les « vecteurs » de sa transmission[34] : là encore, mais très sommairement hélas, était évoqué le personnage de Gradlon[35] ; cet article, que l’on pourrait qualifier à plus d’un titre de  fondateur, n’a malheureusement pas connu, semble-t-il, la réception qu’il méritait[36] peut-être parce que la très bonne revue qui l’a accueilli est une publication de dimension trop régionale. Au-delà du possible souvenir de quelques « faits vrais » qui pourraient être intervenus à l’époque du saint[37], si du moins l’existence historique de ce dernier était confirmée, et du « palimpseste hagiographique » décelable sous les réécritures successives des vitae de saints bretons et qui, selon B. Merdrignac, conserverait les vestiges ténus d’une riche culture profane, majoritairement orale[38] , « les moines écrivains n’ont pas vocation à faire œuvre d’historiens »[39] rappelait J.-C. Cassard, ce qui rend vaines les minutieuses tentatives de reconstitution et de synchronisation auxquelles les historiens de la Bretagne se sont depuis toujours livrés, mais tout autant les hypercritiques de F. Lot et particulièrement dérisoires les accusations de forgeries portées à l’encontre des hagiographes bretons par le Maître parisien et ses épigones de l’ÉPHÉ ; à cette occasion, J.-C. Cassard proposait du matériau concerné une longue, riche et dense définition qui nous paraît avoir conservé toute son actualité :
« Les Vies sont en effet, avant toute autre chose, des œuvres littéraires composées dans une optique particulière qui sous-tend l’ensemble du travail de recollection et d’exposition du passé effectué par leurs auteurs, au demeurant des hommes de grande qualité et de haute culture. Fondamentalement, elles se présentent comme des récits de vérité. Des récits de vérité sur les origines monastiques, des récits qui s’imposent à la vénération des frères présents et à venir qu’ils imprégneront d’autant plus qu’ils contribuent à leur formation aux lettres latines , voire, de façon seconde, à celle des laïcs de leur entourage ou des clercs séculiers qui les recevront pour une raison ou pour une autre. Ce sont à proprement parler des actes de foi appelés à devenir des « autorités », au sens médiéval d’auctoritas »[40].

Le second trait qui caractérise le cartulaire de Landévennec, c’est le soin pris, au moment de sa compilation, à recopier fidèlement et à transmettre des textes vieux de près de deux siècles sans apparente volonté de procéder sinon à leur rajeunissement, du moins à leur actualisation[41]. En revanche, il faut souligner que, si Gradlon, employé dans l’hymne de Clément et surtout dans l’ouvrage de Wrdisten[42], a en effet considérablement inspiré le compilateur qui, au mépris même de ses sources[43], attribue à ce personnage la plupart des donations au profit de l’abbaye, le dossier hagiographique n’a pas été utilisé sinon à la marge, en quatre ou cinq occasions[44] lors de la tentative assez vaine de reconstitution des actes du monastère par le « cartulariste ».

***
Le profil de ce « cartulariste », renforcé par son anonymat, est difficile à esquisser : lui aussi moine du lieu bien évidemment, comme l’avaient été Clément et Wrdisten, et, comme eux, dévot du saint fondateur dont il a résumé à grand traits l’existence dans les deux premières notices du cartulaire (n°2 et 3), nous savons qu’il a travaillé sous l’abbatiat d’Elisuc (1047-55), qui pourrait donc tout aussi bien être notre homme, à moins que cet abbé ne se fût contenté de donner ses instructions à un maître d’œuvre en charge de l’opération de « cartularisation »[45]. Dans un cas comme dans l’autre, il est également possible que, des deux scribes, là encore anonymes, qui se sont partagés le travail d’écriture, celui qui s’est adonné à la partie diplomatique ait travaillé, au moins partiellement, non pas comme un copiste, mais sous la dictée (dictamen) du maître d’oeuvre : ainsi pourraient s’expliquer certaines des imperfections de la « transcription » de tel ou tel  acte, le texte de ceux-ci ayant été, pour une large part, « improvisé » par le dictator à partir de matériaux dont la nature et la datation demeurent très discutées[46]. A l’inverse, il ne semble pas douteux, comme en témoignent ses rares repentirs[47], que le scriptor qui était en charge de la partie hagiographique, avait sous les yeux des manuscrits qu’il a recopiés sinon intelligemment, du moins fidèlement.

On peut observer qu’à l’exception de Guénolé ainsi que de Corentin, Rioc et Tugdual, les saints dont les noms sont employés dans les chartes, notamment Guénaël, qui est pourtant présenté comme le successeur immédiat de Guénolé sur le siège abbatial, ne figurent pas dans le dossier littéraire constitué à Landévennec à l’époque carolingienne. En revanche, ont par la suite emprunté à plusieurs reprises des matériaux du cartulaire les auteurs des ouvrages consacrés à Goëznou, à Goulven et à Hervé, énumération qui ne prétend nullement à l’exhaustivité. Par ailleurs, on constate que le personnage du roi Gradlon a été employé dans les biographies de Corentin, de Gurthiern, de Jacut, de Ronan et de Turiau[48]. Le plus tardif de ces textes paraît être la vita de Corentin qui, sous sa forme actuelle, a probablement été composée sous l’épiscopat de Rainaud  (1219-1245) et vraisemblablement par le prélat lui-même[49]. Quant aux autres textes, leur composition est sans doute  à rapporter  aux XIe-XIIe siècles : la mobilisation de Gradlon peut en effet s’interpréter assez aisément comme une démarche de légitimation des droits politiques des ducs de Bretagne issus de la dynastie cornouaillaise après que le comte Hoël eut ceint la couronne ducale[50] ; car si la présence du mythique roi de Cornouaille n’est évidemment pas incongrue dans les ouvrages consacrés à Gurthiern et à Ronan, elle est déjà beaucoup plus étonnante dans celui qui traite de Jacut, dont le culte est resté très largement confiné au nord de la Bretagne, et elle s’avère véritablement surprenante en ce qui concerne la biographie de Turiau[51].

***
Voici donc mise en exergue l’une des fonctions essentielles de la littérature hagiographique, dont le « recyclage » permanent constitue le principal aspect : soutenir les prétentions politiques, juridiques et économiques de celui qui a commandité l’œuvre et, corollairement obtenir du commanditaire qu’il confirme au groupe au sein duquel a été recruté l’hagiographe les revendications de même ordre exprimées par la communauté concernée. Ainsi, à Landévennec, depuis Wrdisten, le chantre de Guénolé au second siècle carolingien, jusqu’au « cartulariste » du milieu du XIe siècle, on peut observer le même souci de recourir à l’hagiographie pour légitimer la possession et l’exploitation des différents loca revendiqués par les moines. L’exemple de la vita d’Ethbin [BHL 2621], qui n’appartient pas stricto sensu au dossier littéraire de Guénolé de Landévennec et qui paraît plus tardive[52], est à cet égard particulièrement significatif.

Le saint en question est d’abord présenté comme un disciple de Samson de Dol par son hagiographe ; puis celui-ci le met en relation avec Similien, abbé du monastère de Tauracus (non localisé)[53] et avec un certain Guénolé[54]. Dans la première partie de sa transcription, le scribe a substitué au nom d’Ethbin celui d’Idiunet, saint moine dont la première notice du cartulaire nous dit qu’il était le « frère » de Guénolé (sans doute s’agit-il d’une parenté spirituelle) ; mais très vite le nom d’Ethbin revient sous sa plume. Que le scribe ait souhaité, en conservant les deux noms dans sa transcription, informer le lecteur de l’identité qu’il établissait entre les deux saints[55] ; ou, à l’inverse, que ce soit son manque de rigueur qui dénonce, malgré lui, la falsification à laquelle il s’est livré[56], peu importe en fait pour notre propos : ce qui est net et remarquable, c’est que la vita d’Ethbin traite de saints dont l’origine doloise est explicite. Cette attribution constitue un indice assez sûr qu’il existait un culte dolois de Guénolé ; en outre, ce culte était rendu à un homonyme distinct du fondateur de Landévennec.
Au temps de la compilation du cartulaire de leur abbaye, les moines de Landévennec revendiquaient la possessioncula dite villa Lancolvett qui est à l’origine de Locquénolé et qui s’étendait à l’époque sur un territoire plus vaste (a mare usque ad mare)[57] ; mais très tôt le même lieu est présenté comme une dépendance de l’abbaye de Landoac et comme une enclave de l’évêché de Dol dans celui de Léon. E. Vallérie écrit que Locquénolé « est le seul point où soient attestées successivement l’influence de Landévennec et celle de Dol »[58]. Pour notre part, il nous semble que c’est moins l’influence de Dol que celle de Landoac qui s’est manifesté à Locquénolé. Il convient également de prendre en compte le fait que le prélat qui siégeait à Saint-Pol-de-Léon au temps où les moines de Landévennec revendiquaient la possession de ce locus était un certain Omnes, originaire de Cornouaille et membre de la familia comtale, intéressé, on en conviendra, à ce que Landévennec conserve son statut prééminent entre les différentes abbayes bretonnes ; mais rien n’empêche que le culte de Guénolé à Locquénolé ait été primitivement rendu au saint dolois de ce nom et ne doive rien là encore au fondateur de Landévennec. Par ailleurs les incontestables emprunts au dossier hagiographique de Guénolé dont témoigne l’ouvrage consacré à la vie et aux miracles des saints Jacut et Wethenoc, composé à Landoac, sont peut-être moins la marque de l’influence de Landévennec en ce lieu que l’indice d’échanges entre les hagiographes des deux abbayes : il faut dès lors envisager que la vita d’Ethbin se conservait à Landoac avant d’être communiquée pour y être copiée au scriptorium de Landévennec ; en retour, le biographe des saints Jacut et Wethenoc aurait reçu copie d’une vita de Guénolé pour servir à la composition de son propre ouvrage.

 Ainsi, au Moyen Âge, l’interpénétration entre la dimension hagiographique de l’histoire d’une église, cathédrale, abbatiale, canoniale, paroissiale, et les aspects politico-juridiques et économiques qui constituaient le quotidien de l’existence de ses membres apparaissait sans doute comme évidente à ceux-ci et venait relativiser sinon justifier à leurs yeux le recours à la forgerie ou à la falsification, dont on vient de voir un exemple à Landévennec avec le cas d’Ethbin alias Idiunet. De nombreux historiens, ayant longtemps témoigné une confiance excessive à l’égard de ce type de sources, se sont par la suite montrés durablement et tout aussi excessivement méfiants à leur égard. Cependant, le débat aujourd’hui ne se situe plus strictement, comme à l’époque positiviste, sur la nécessité qui évidemment demeure de distinguer entre le « vrai » et le « faux », notamment en ce qui concerne les actes de la pratique, mais plutôt sur l’apport à l’histoire intellectuelle et à l’histoire des mentalités du document forgé ou falsifié : « … Le faux, une fois critiqué, peut être réintégré dans sa dignité de document historique : un document, bien sûr, sur le faussaire, ses motifs, sa conception du monde et de la société, ses méthodes de travail »[59].

***
La « cartularisation » de l’hagiographie, à Landévennec comme ailleurs, doit donc être  examinée dans le cadre d’une double approche, littéraire et historique, seule capable de refléter dans son ensemble le projet mené par le « cartulariste » ; le cartulaire doit ainsi être traité comme un « objet historique » véritable et non plus limité à sa seule dimension de « conservatoire » d’actes, laquelle au demeurant correspond mieux au chartrier, du moins quand celui-ci a subsisté. C’est dans le cadre élargi de cette (re)définition du cartulaire que le profil du « cartulariste » qu’il s’agisse du donneur d’ordre, du maître d’œuvre ou du scribe, qui, à l’occasion, pouvaient se trouver réunis dans la même personne , mais aussi ses ambitions et ses objectifs, ainsi que son savoir-faire et sa pratique d’« auteur », doivent faire l’objet, tout autant que ceux de l’hagiographe, d’un intérêt particulier et d’un traitement spécifique.

André-Yves Bourgès




[1] S. Lebecq (dir.), Cartulaire de Saint-Guénolé de Landévennec, Rennes, 2015 (Collection : Sources médiévales de l’histoire de Bretagne).
[2] P.-Y. Lambert et S. Lebecq, « Introduction », p. 13-16 ; S. Barret, « Le manuscrit : codicologie et paléographie », p. 17-24 ; B. Tanguy (†) « Les noms de lieux dans le cartulaire de Landévennec », p. 25-37 ; P.-Y. Lambert, « Les noms de personnes dans le cartulaire de Landévennec », p. 39-52 ; S. Lebecq, « Autour de quelques chartes de Landévennec », p. 53- 64; A. Bardel et R. Pérennec, « Le monastère de Landévennec au temps du cartulaire », p. 65-89 ;  Y. Morice, « Passés recomposés. L’hagiographie dans le cartulaire de Landévennec », p. 91-102 ; J.-C. Poulin, « Les sources formelles de la Vie longue de saint Guénolé », 103-106.
[3] Une rapide esquisse généalogique du terme « cartulariste » permet d’en faire remonter la filiation au moins à l’année 1908 sous la plume de J. Depoin ; on le trouve employé par L. Levillain en 1951 et par J.-Ph. Genêt vingt ans après. L. Morelle, « Le diplôme original de Louis le Pieux et Lothaire (825) pour 1'abbaye de Corbie, à propos d'un document récemment mis en vente »,  Bibliothèque de l'école des chartes, 149 (1991), n° 2, p. 413,  l’a associé vingt ans plus tard à ceux de « copiste » et d’ « archiviste ». Il est aujourd’hui d’usage courant, sinon répandu.
[4] Nous suivons ici le regretté F. Kerlouégan qui, dans son étude « Landévennec à l'école de Saint-Sauveur de Redon ? », M. Sot [éd.], Haut Moyen Âge: Culture, éducation et société. Etudes offertes à Pierre Riché, La Garenne-Colombes, 1990, p. 317, n. 4, avait retenu la proposition, faite lors du colloque de 1989 sur « L’École carolingienne d’Auxerre, de Muretach à Remi », « de remplacer scriptorium par écritoire (usage signalé par Littré) ».
[5] J.-C. Poulin, L’hagiographie bretonne du haut Moyen Âge. Répertoire raisonné, Ostfildern, 2009, p. 268-290.
[6] Le nom Wrmonoc a connu des fortunes onomastiques presqu’aussi diverses que celui de Wrdisten ; outre Uurmonocus, qui figure dans la préface de son ouvrage, « Vita Pauli Aureliani », texte édité par C. Cuissard, Revue Celtique, t. 5 (1881-1883), p. 418, on trouve selon les auteurs les formes Vurmonoc, Gurmonoc et Gourmonoc. Si son appartenance au monastère de Landévennec paraît acquise, B. Tanguy, « La Vita Pauli Aureliani et son auteur », J. an Irien, [éd.], Saint Paul Aurélien. Vie et culte, s.l. [Tréflévénez], 1991, p. 7, lui attribue une probable origine léonarde, eu égard à « la connaissance que possède Wrmonoc des environs de saint-Pol » que ce chercheur juge « assez remarquable » ; il nous semble au contraire que la description des lieux par l’hagiographe est tout sauf réaliste.
[7] « Vita Pauli Aureliani », édition Cuissard, p. 418 : « in Winwaloei sui sanctique mei describendis actibus mirabile librorum construxit opus ». Voir sous la plume de F. Kerlouégan, « Le manuscrit Orléans 261 (217) et la Vita Pauli Aureliani d'Uurmonoc de Landévennec (BHL 6585) », Gw. Le Menn et J.-Y. Le Moing [éd.], Bretagne et pays celtiques. Langues, histoire, civilisation. Mélanges offerts à la mémoire de Léon Fleuriot (1923-1987), Saint-Brieuc-Rennes, 1992, p. 153-154, une reconstitution conjecturale, très vivante, des circonstances de la composition de la vita de Paul Aurélien.
[8] Hymne alphabétique, préface pentamétrique, vers 11-12. Comme l’a fait observer M. Coumert,  « Le peuplement de l’Armorique : Cornouaille et Domnonée de part et d’autre de la Manche aux premiers siècles du Moyen Âge », Eadem et H. Tétrel [dir.], Histoires des Bretagnes. 1. Les mythes fondateurs, Brest, 2010, p. 35,  il s’agit de la première mention en Bretagne continentale du terme Cornubia, dont l’attestation la plus ancienne se lit, plus de 150 ans auparavant, à propos de la Cornouaille insulaire, sous la plume d’Aldhelm de Malmesbury (per carentem Cornubiam) : Ibidem, p. 22. — L’œuvre d’Aldhelm était appréciée à Landévennec, comme le rappelle B. Merdrignac, « Présence et représentations de la Domnonée et de la Cornouaille de part et d’autre de la Manche », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t.  117 (2010), n° 4, p. 96 ;  d’ailleurs, la formule rite regebat utilisée par Clément pourrait bien avoir été empruntée au poème dédié à Bugga (qui prius imperium Saxonum rite regebat) : R. Ehwald [éd.], Aldhelmi Opera Omnia (Monumenta Germaniae Historica. Auctores Antiquissimi, t. 15, Berlin, 1919), p. 14, vers 3.
[9] Vita prosimétrique, I, 9 : Sed de illo, in ymno de ejusdem laude metrica cum rithmo ratione bene composito, Clemens, Christi famulus, adulta adhuc ætate perspicuus, nec multum post temporis, heu proh dolor immatura morte preventus, cæcinit : « Cum non haberet terrestres, gazas prebebat cælestes ».
[10] B. Merdrignac, Les Vies des saints bretons durant le haut Moyen Âge, Rennes, 1993, p. 23-36.
[11] M. Simon, « Gurdisten, un abbé pour Landévennec au IXe siècle », Chronique de Landévennec, 33 (3e série, janvier 2008), p. 41.
[12] J.-C. Poulin, L’hagiographie bretonne…, p. 416.
[13] M. Simon, « Gurdisten, un abbé pour Landévennec… »,  p. 45.
[14] Ibidem.
[15] Concept particulièrement fécond élaboré par M. Parisse, « Des réseaux invisibles : les relations entre monastères indépendants », L. Morelle [éd.], Naissance et fonctionnement des réseaux monastiques et canoniaux. Actes du 1er  colloque international du CERCOM, Saint-Etienne, 16-18 septembre 1985, Saint-Etienne, 1991,  p. 451-471.  Nous étendons ce concept à la notion de « réseau potentiel », pour lequel  il s’agit de confirmer ou d’infirmer l’existence de relations (voir note suivante).
[16] Outre Saint-Florent-le-Vieil et Redon, le « réseau potentiel » des relations monastiques de Landévennec (voir note précédente) s’est étendu, pendant la période concernée (début IXe-fin XIe siècles), aux différents établissements du propre réseau de Saint-Philibert, ainsi qu’à ceux de Soissons (Saint-Médard), Saint-Josse-sur-Mer, Montreuil-sur-Mer (Saint-Saulve), Saint-Jacut-de-la-Mer (Landoac) , Château-du-Loir (Saint-Guingalois), Quimperlé (Sainte-Croix) ; le cas de l’abbaye Saint-Tugdual, laquelle a probablement précédé sur place le monastère de femmes de Locmaria, à Quimper, fait l’objet d’un rapide examen dans notre étude « Mythes fondateurs de la Cornouaille – La Quaternité cornouaillaise – Une construction idéologique à l’époque carolingienne en Bretagne », à paraître en 2016 dans le recueil Hagiographie bretonne et mythologie celtique sous la direction de V. Raydon et A.-Y. BourgÈs.
[17] Voir ci-dessus n. 4.
[18] M. Simon, « Rapports entre les abbayes de Redon et de Landévennec du IXe au XIIe siècle », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. 63 (1986), p. 121-128.
[19] Cartulaire de l’abbaye de Redon en Bretagne, édité par A. de Courson, Paris, 1863, p. 72-73 (n° 96).  Acte n°214218 dans Chartae Galliae. Edition électronique: Institut de Recherche et d'Histoire des Textes, 2014. (Telma). [En ligne] http://www.cn-telma.fr/chartae-galliae/charte214218/.  Date de mise à jour : 31/07/13. Première version : 10 juin 2010. Consulté le 25 avril 2016.
[20] C’est le cas de Corweten, explicitement qualifé presbyter ; mais nous voyons ailleurs que, parmi ces témoins, Haelwocon et Benedic ont également la qualité de prêtre dans des actes datés respectivement 862 et 869, Cartulaire de Redon, édition Courson, p. 59 (n° 76) et p. 134-135 (n° 174), tandis que Driweten figure comme presbyter et monacus dans un acte daté 868, Ibidem, p. 173-174 (n° 225). Le risque de confusion entre des homonymes ne permet pas cependant de conclure de manière péremptoire.
[21] F. Jourdan de la Passardière, « A propos du Cartulaire de Landévennec », Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie, t. 21 (1922), p. 210-211.
[22] J.-C. Poulin, L’hagiographie bretonne…, p. 429.
[23] Ibidem, p. 436.
[24] Nous développons cette hypothèse dans notre étude sur les « Mythes fondateurs de la Cornouaille » évoquée  ci-dessus n. 16.
[25] M. Simon, L’abbaye de Landévennec de saint Guénolé à nos jours, avec la collaboration de : A. Bardel, R. Barrié, Y.-P. Castel, J.-L. Deuffic, A. Dizerbo, J. Irien, B. Tanguy, Rennes, 1985, donne, p. 26-41, une présentation commode de ces différents textes. Le dossier littéraire du saint a fait l’objet d’un examen approfondi par J.-C. Poulin, L’hagiographie bretonne…, p. 396-445, qui, par ailleurs, a étudié avec son acribie coutumière « L’intertextualité dans la Vie longue de saint Guénolé de Landévennec », Études celtiques, 40 (2014), p. 165-221. Enfin, s’agissant des aspects codicologiques et paléographiques, on consultera la contribution de S. Barret dans la dernière édition du cartulaire.
[26] Ce cartulaire a fait l’objet au XVIe siècle d’une copie, généralement qualifiée « médiocre » : voir  en dernier lieu à ce sujet J.-C. Poulin, L’hagiographie bretonne…, p. 410. Les deux innovations principales de cette copie par rapport à son modèle consistent, pour la partie hagiographique, dans la transcription d’un court récit de miracle de Guénolé [BHL 9867] et, pour la partie diplomatique, dans l’insertion d’une pseudo-notice (acte n° 69, fol. 79v) au soutien des revendications généalogiques et territoriales de la famille de Lesguen : comme ces revendications étaient connues de Pierre Le Baud, qui les rapporte dans la première version de ses Chroniques et Ystoires des Bretons (vers 1460-1480), livre 3, édition [partielle] par C. de la Lande de Calan, t. 2, Nantes, 1910, p. 17, cela est de nature à conforter l’hypothèse qui figure chez A. RamÉ, « Rapport sur le cartulaire de Landévennec », Bulletin philologique et historique du Comité des Travaux historiques et scientifiques, 1882, p. 420, d’une possible copie intermédiaire datée 1436. Cette hypothèse, rappelle J.-C. Poulin,  Ibidem,  a été développée  « sans doute sur la foi d’une mention ajoutée à la fin de l’acte 39 du cartulaire, au fol. 76v, mais absente du ms. de Quimper : Anno Domini  millessimo (sic) CCCC.XXX.VI ».
[27] Voir par exemple A. de la Borderie, Le cartulaire de Landévennec, Rennes, 1889 (extrait des Annales de Bretagne), p. 1-2 du tiré-à-part.
[28] Sur les cartulaires bretons médiévaux, on se reportera toujours avec profit aux deux contributions de H. Guillotel : « A propos des cartulaires », Agence de coopération des bibliothèques de Bretagne [éd.], Trésors des bibliothèques de Bretagne. [Catalogue de l’exposition] Château des ducs de Rohan, Pontivy, 15 juin-15 septembre 1989, Rennes, 1989, p. 39-48 ; « Cartulaires bretons médiévaux », p. 325-341.
[29] Le cartulaire de Landévennec a été compilé aux années 1047-1055, comme on l’a dit, tandis que la mise en œuvre de celui de Redon est intervenue aux années 1070 : H. Guillotel, « Cartulaires bretons médiévaux », p. 333-334 et p. 336.
[30]C. Garault, dans son article « La mise en texte du passé : traditions locales et mémoire monastique. Le cas de l’abbaye de Saint-Sauveur de Redon », L’autorité de l’écrit au Moyen Âge (Orient-Occident). XXXIXe Congrès de la SHMESP (Le Caire, 30 avril-5mai 2008), Paris, 2009, p. 148-152, a néanmoins mis en évidence (n. 34) « quelques donations et autres événements présents dans les Gesta Sanctorum Rotonensium (GSR)  et dans le Cartulaire de Redon (CR), voire dans la Vita Conuuoionis (VC) ». — A l’abbaye de Quimperlé, fondée vers 1050, le cartulaire, compilé pour l’essentiel aux années 1124-1125/1127 comme l’a démontré H. Guillotel, « Sainte-Croix de Quimperlé et Locronan », Saint Ronan et la Troménie,  p. 181-182, se situe pour sa part entre ces deux modèles : à cette occasion, le récit  de la fondation, probablement  mis en forme à la fin du XIe siècle, quand les moines s’efforcèrent en vain d’obtenir de Rome la canonisation de leur premier abbé, Gurloes, fit l’objet d’assez nombreuses manipulations et interpolations par le moine Gurheden. Celui-ci inséra, au surplus,  dans sa compilation deux textes hagiographiques relatifs à des saints de la tradition, dont l’autorité ne pouvait donc être remise en cause ; en même, l’authenticité de la partie diplomatique du cartulaire se vit renforcée par l’adjonction de listes des papes, des archevêques de Tours, des évêques de Nantes, Vannes et Quimper, des comtes de Cornouaille, ainsi que d’annales.
[31] J. Quaghebeur, La Cornouaille du IXe au XIIe  siècle. Mémoire, pouvoirs, noblesse, Publications de la Société archéologique du Finistère, s.l. [Quimper], 2001.
[32] Ibidem, p. 39-51.
[33] J.-C. Cassard, « la mise en texte du passé par les hagiographes de Landévennec au IXe siècle », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. 122 (1993), p. 361-386.
[34] Ibidem, p. 364.
[35] Ibid., p. 381-382.
[36] Seule C. Garault, « La mise en texte du passé… », p. 148, n. 1, indique s’être expressément inspirée de la problématique suggérée par l’auteur de l’article concerné.
[37] J.-C. Cassard, « la mise en texte du passé… », p. 362.
[38] Voir en dernier lieu B. Merdrignac, D’une Bretagne à l’autre. Les migrations bretonnes entre histoire et légendes, Rennes, 2012 p. 15-30. — L’expression « palimpseste hagiographique » est explicitement reprise par cet auteur (p. 18-19) à Ph. Walter, « Le palimpseste hagiographique du Moyen Âge : problèmes et prospectives », Ollodagos, t. 9 (1996), p. 3-33 ; mais elle figure déjà sous la plume de P.-M. De Biasi, « Le palimpseste hagiographique, l'appropriation ludique des sources édifiantes dans la rédaction de La Légende de saint Julien l'Hospitalier », La revue des lettres modernes, vol. 777-781 (1986), p. 69-124 [Gustave Flaubert, 2. Mythes et religions (1), textes réunis par Bernard Masson].
[39] J.-C. Cassard, « la mise en texte du passé… », p. 363.
[40] Ibidem, p. 362-363.
[41] Pas une fois, par exemple, le « cartulariste », sinon le scribe, ne semble avoir été tenté de rapprocher le nom de Budoc, présenté par Wrdisten (I, 4) comme le Maître de Guénolé (Angelicum… magistrum nomine Budocum, cognomine Arduum), avec le toponyme Buduc qui pourtant figure à trois reprises dans la partie diplomatique (actes n° 17, 19 et 43).
[42] Hymne alphabétique, strophe R ; vita prosimétrique, II, 12, 15-21.
[43] Comme le faisait déjà remarquer A. de la Borderie dans le premier tome de son Histoire de Bretagne, Rennes, 1896, p. 318-319.
[44] B. Tanguy, « Les noms de lieux dans le cartulaire de Landévennec », M. Simon [éd.], Landévennec et le monachisme breton dans le haut Moyen âge. Actes du Colloque du 15eme centenaire de l'abbaye de Landévennec, 25-26-27 avril 1985, s.l. [Landévennec], 1986,  p. 148-149 (concernant les actes n° 9, 21, 30, 37). Pour notre part, il nous semble que l’acte n° 2 s’inspire largement de la vita composée par Wrdisten  (II, 3-4, 7) et plus encore, comme l’a souligné J.-C. Poulin, L’hagiographie bretonne…, p. 430, de l’homélie dont plusieurs passages empruntés aux leçons  1, 2, 8, sont reproduits verbatim.
[45] Le terme « cartularisation » a été popularisé dans la dernière décennie à la suite de sa thèse soutenue en 2000 par P. Chastang, dont les travaux très novateurs sur  la « structuration » de ce « nouveau champ de recherche » et sur la démarche méthodologique la mieux appropriée à son exploration/exploitation par les historiens, s’intègrent dans le cadre d’une approche qui s’intéresse tout autant au contexte qu’au texte lui-même
[46] Peut-être « des éléments de pancartes de peu antérieures » comme le suggérait  H. Guillotel, « Cartulaires bretons médiévaux », O. Guyotjeannin, M. Parisse et L. Morelle [éd.], Les cartulaires, actes de la table ronde organisée par l'Ecole nationale des chartes et le G.D.R. 121 du C.N.R.S (Paris 5-7 décembre 1991), Genève/Paris, 1993,[Mémoires et documents de l'Ecole des chartes, 39], p. 333, et comme semble d’ailleurs le confirmer la distribution géographique des biens concernés, soulignée notamment par B. Tanguy et al., « Les possessions de l’abbaye »,  L’abbaye de Landévennec…, p. 184-185. Si n’est évidemment plus de mise l’approche hypercritique incarnée par l’ouvrage centenaire de R. Latouche, Mélanges d’histoire de Cornouaille (Ve-XIe siècle), Paris, 1911, dont son auteur a d’ailleurs partiellement désavoué les conclusions un demi-siècle plus tard dans les premières pages d’un article intitulé « L’abbaye de Landévennec et la Cornouaille aux IXe et Xe siècles », Le Moyen Âge, t. 65 (1959), n° 1-2, p. 1-26, les propos enthousiastes de L. Fleuriot dans Les origines de la Bretagne, ²Paris, 1982, p. 225, nous paraissent eux aussi inacceptables en l’état  (« … Nous sommes devant le résumé maladroit et estropié d’actes remontant au  6e siècle et contenant des renseignements directs sur la manière dont se faisait l’établissement des Bretons »). Quant à la séduisante notion de « charte celtique », développée à plusieurs reprises par W. Davies [« La charte "celtique" », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. 109 (1981), p. 195-207, et D. Whitelock, R. McKitterick and D. Dumville (éd.), « The Latin charter-tradition in western Britain, Brittany and Ireland in the early mediaeval period », Ireland in early Mediaeval Europe: Studies in Memory of Kathleen Hughes, Cambridge, 1982, p. 258–80], pour rendre compte de la forme des actes de la pratique en Irlande, en Ecosse, au Pays de Galles et en Bretagne, plus précisément à Landévennec, [« Les chartes du cartulaire de Landévennec », Landévennec et le monachisme breton…, p. 85-95], elle ne paraît pas faire l’objet d’un véritable consensus au sein de la communauté scientifique.
[47] Le nom de la Cornubia paraît ainsi  avoir posé quelques problèmes au scribe : « pour lui, du XIe siècle, » écrit M. Simon, « Les hagiographes de Landévennec au IXe siècle témoins de leur temps », Gw. Le Menn et J.-Y. Le Moing [éd.], Bretagne et pays celtiques…, p. 185, « Cornugallie s’imposait. Perplexe il laissa en blanc de quoi compléter en gallie et poursuivit sa route : confinium perlustrans. Il lui fallut attendre le chapitre XV et les suivants, composés per heroicum metrum, pour être pleinement édifié sur la manière authentique de Gurdisten. Alors seulement il revint en arrière et, d’une écriture légèrement plus petite et tremblante, il compléta le Cornu en Cornubie,  et remplit le blanc restant par un trait ondulé. C’est tout à l’honneur de sa fidélité ». Voir également à ce sujet  B. Merdrignac, D’une Bretagne à l’autre…, p. 140.
[48] Version dite de Clermont [BHL 8342d]
[49] A.-Y. BourgÈs, « A propos de la vita de saint Corentin »,  Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. 127 (1998), p. 291-303. Il s’agit du texte BHL 1954.
[50] On voit ainsi Hoël reprendre à son ancêtre mythique le surnom huuel qui signifie « humble » et qui traduit le latin humilis dont Wurdisten, dans sa vita prosimétrique de Guénolé (II, 15), avait décoré Gradlon (De humili Gradloni, Cornubiensium regis) ; le duc Conan, petit-fils de Hoël, se désigne également « humble » dans un acte du cartulaire de Quimperlé (Conanus humilis Britanniae dux).
[51] A.-Y. BourgÈs, « Propagande ducale, réforme grégorienne et renouveau monastique : la production hagiographique en Bretagne sous les ducs de la maison de Cornouaille », J. Quagheheur et S. Soleil [éd.], Le pouvoir et la foi au Moyen Âge…, p. 145-166.
[52] J.-C. Poulin, L’hagiographie bretonne…, p. 452-453.
[53] E. Vallérie, « Saint Idunet et le monastère de Tauracus », Etudes celtiques, t. 24 (1987), p. 317, propose l’ancienne paroisse de Taulé, dont l’enclave doloise de Locquénolé, revendiquée au XIe siècle par Landévennec, constituait à l’évidence un démembrement.
[54] La tradition doloise tardive indiquait que ce Guénolé était mort au monastère de Tauracus. Il n’y a rien à tirer pour notre propos des déclarations de l’auteur de la vita de saint Goëznou, qui localise [corpus] Guengualoei monasterio Dolis : il s’agit du monastère de Déols en Berry et non de Dol en Bretagne.
[55] E. Vallérie, « Saint Idunet et le monastère de Tauracus », p. 316.
[56] H. Guillotel, « Les origines de Landévennec »,  Landévennec et le monachisme breton…, p. 102.
[57] Acte n° 37.
[58] E. Vallérie, « Saint Idunet et le monastère de Tauracus », p. 317.
[59] O. Guyotjeannin, J. Pycke et B.-M. Tock, Diplomatique médiévale, Turnhout, 1993 (L'atelier du médiéviste, 2), p. 368.

Aucun commentaire:

Printfriendly