"L’Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat, parce que l’Histoire, et au-delà les sciences humaines, est menacée par la posture utilitariste dominante dans notre société, pour laquelle seul ce qui est économiquement et immédiatement rentable est légitime : le reste n’est que gaspillage de temps et de deniers publics. Dans cette situation, l’Histoire médiévale est dans une situation paradoxale puisque s’ajoute à ce déficit général de légitimité des sciences humaines un détournement généralisé du Moyen Âge à des fins variées, jouant tantôt sur le caractère irrationnel et sauvage prêté à la période, tantôt sur la valeur particulière des « racines » médiévales. Le Moyen Âge devient ainsi un réservoir de formules qui servent à persuader nos contemporains d’agir de telle ou telle manière, mais n’ont rien à voir avec une connaissance effective de l’Histoire médiévale."

J. MORSEL, L'Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat... (ouvrage téléchargeable ici).

25 décembre 2010

Une construction idéologique au XIe siècle : les origines du réseau des évêchés de Bretagne


Dès 1984 B. Tanguy posait la question : « comment expliquer la soudaine faveur de ces épithètes Corisopitensis, Ocismensis, Lexoviensis, ̶ sans parler de Dialetensis pour Alet, assimilé à la civitas des Diablintes (Jublains) ? » dans différents textes médiévaux relatifs aux origines des évêchés de Bretagne. Ce chercheur suggérait qu’il devait exister une relation « avec la mise en cause par la métropole de Tours de l’autorité de Dol sur les diocèses bretons » [1] ; et de souligner que « la résurrection de cette géographie ancienne au XIe siècle a tout d’une action concertée » et qu’elle « mériterait une étude circonstanciée » [2].
I
Si l’on adopte la chronologie proposée par H. Guillotel[3], le court extrait connu sous le titre Indiculus de episcoporum depositione[4] est le plus ancien document à dresser un état de l’organisation diocésaine de la Bretagne aux temps carolingiens. Selon ce texte Nominoë, après s’être emparé des villes de Rennes et Nantes[5], avait saisi le prétexte d’une accusation de simonie pour déposer et remplacer par des prélats à sa dévotion les évêques d’Alet, de Léon, de Quimper et de Vannes : cet épisode avéré de l’histoire bretonne, assez bien documenté par des échanges de correspondance de l’époque, a reçu un écho dans un texte hagiographique contemporain, les Gesta sanctorum Rotonensium [BHL 1945], consacré au fondateur de l’abbaye de Redon, Conwoion, et à ses disciples[6]. Toujours selon l’Indiculus, Nominoë avait ensuite formé sept évêchés en érigeant trois nouveaux sièges épiscopaux : un au monastère de Dol, avec le statut d’archevêché, le deuxième au monastère de Saint-Brieuc et le dernier de même à *Saint-Pabu-Tual[7], siège de l’évêque de Tréguier[8] ; puis, ayant ainsi séparé les évêchés bretons de la métropole de Tours, Nominoë avait réuni leurs nouveaux titulaires à Dol où il fut fait roi. Cet extrait et le récit beaucoup plus développé du Chronicon Namnetense[9], qui souligne que le monastère de Dol avant son érection épiscopale relevait de l’Église d’Alet[10], procèdent l’un et l’autre d’une source commune, dont la nature précise nous échappe, mais dont H. Guillotel situe la composition dans le contexte très polémique qui voit l’autorité de la métropole doloise réduite, à partir des années 1120, aux seuls suffragants de Saint-Brieuc et Tréguier[11]. C’est à la même époque qu’il convient de situer la rédaction de la vita de Conwoion [BHL 1946][12], texte incontestablement tributaire des Gesta dont il reprend la trame du récit, mais en insistant, à l’instar de l’Indiculus et du Chronicon, sur le rôle prédominant de Nominoë dans la mise en accusation des évêques Susannus de Vannes et Félix de Quimper (Susannum scilicet Venetensem atque Felicem Corisopitensem[13]).
Au demeurant, les faits tels que les rapportent l’Indiculus et le Chronicon suscitent de nombreux doutes quant à leur véracité : rien en effet dans la documentation contemporaine relative à la déposition des évêques bretons par Nominoë en 849 ne permet de conclure que les sièges de Saint-Brieuc et Tréguier furent érigés à cette époque. A l’inverse, celui de Dol existait déjà avant cette date et nous connaissons d’ailleurs son titulaire du moment, Saloco, fallacieusement présenté ici comme occupant le siège d’Alet : ce sont donc bien cinq prélats qui furent déposés par Nominoë, même si le nom de l’évêque d’Alet nous échappe. Enfin, les premières revendications métropolitaines de Dol n’apparaissent qu’une quinzaine d’années plus tard, encouragées par Salomon de Bretagne, dans un contexte de normalisation du schisme[14].
Force est donc de conclure que le premier tableau d’ensemble des évêchés bretons, tel qu’il figure dans l’Indiculus et dans le Chronicon, a toute chance de refléter, non pas la situation de l’époque carolingienne, mais bien plutôt celle qui prévalait quand fut composé le récit qui est la source commune de ces deux textes. Il est particulièrement remarquable à cet égard que son auteur ait eu recours aux noms des cités qui figuraient dans la Notitia Galliarum pour désigner les ressorts des évêques déposés par Nominoë : outre Venetensis (Vannes), dont l’usage ne s’est jamais perdu, on trouve ainsi les formes Corisopitensis alias Coriopitensis et Oximensis alias Ocismorensis, qui se rapportent ici respectivement à Quimper et Saint-Pol-de-Léon[15], à rapprocher des leçons civitas Coriosolitum (Corseul) et civitas Osismorum (Carhaix) de la Notitia[16]. Quant à la forme Dialetensis, il ne s’agit pas d’une invention du chroniqueur, comme le croyait R. Merlet[17], ni d’une cacographie de copiste, comme l’ont supposé L. Levillain[18] et F. Lot[19] : comme l’a souligné F. Duine, elle s’accorde parfaitement avec la leçon Dialetum, qui décore le nom de l’évêque d’Alet, Martin, lors du concile réuni à Châlon sous la présidence du légat Hildebrand en 1056. En revanche, F. Duine s’est trompé en disant que « Martin d’Alet est le seul prélat breton dans l’assemblée de Châlon » [20] : figure en effet sur le document conciliaire, le nom d’un autre Martin, qui signe en qualité d’évêque des Osismes (Auximorum)[21] et dont H. Guillotel a montré qu’il s’agissait du prélat qui occupait alors le siège de Tréguier[22] ; mais la vita moyenne de Tugdual [BHL 8351-8352][23], de la même époque, ne reconnaît pas à son héros cette titulature tandis que la vita longue [BHL 8353][24], à l’instar de la vita de Gildas [BHL 3541][25], l’attribue à Paul Aurélien (quo tempore beatus Paulus […] Ocismensem regebat ecclesiam)[26]. A cette occasion, l’hagiographe développe l’idée que Tugdual avait succédé à l’évêque de la civitas Lexoviensis, épisode qui résulte d’une interprétation fallacieuse d’un passage de la vita moyenne : à la lecture de ce dernier texte, qui constituait la source principale de sa propre composition, l’auteur de la vita longue a supposé que l’ancienne civitas anonyme dont se voyaient les ruines au Yaudet[27] s’était appelée Lexovium, alors qu’il faut tout simplement comprendre que Tugdual, sur le chemin de son retour de Paris vers Tréguier, s’était détourné par la civitas de Lisieux.
On observe à cette occasion que la vita moyenne du saint s’efforce de rendre compte de traditions diverses : une de ces traditions, apparemment bien connue à l’époque à Tréguier et qui pouvait avoir de fâcheuses conséquences pour le culte local, expliquait que Tugdual était honoré à Lisieux où, disait-on, il était passé de vie à trépas ; c’est pourquoi l’hagiographe, sans nier l’existence d’un culte rendu au saint à Lisieux, a cru bon de répondre par avance et explicitement aux objections de ceux qui in civitate Lexoviensi eum obiisse dicebant[28]. A. de La Borderie s’est donc fourvoyé quand il a cru reconnaître dans ce passage une interpolation du texte original de la vita moyenne[29] : en réalité, ce texte confirme que, pour l’auteur de ce dernier texte, la civitas Lexoviensis à laquelle il est fait allusion est évidemment différente du siège épiscopal de Tréguier et ne peut pas être non plus le Yaudet qui appartient lui aussi au territoire diocésain. Sans doute a-t-il existé au moins deux saints Tugdual : raconter l’existence de chacun d’eux comme s’il s’agissait des épisodes de la vie d’un seul et même personnage permettait à l’hagiographe d’utiliser les anecdotes qui avaient cours à Lisieux ; ainsi lui était-il possible de donner plus de relief à la geste d’un saint que la tradition bretonne disait avoir fondé le « grand monastère » de Tréguier et dont les antécédents sont d’ailleurs plutôt à rechercher du côté de la Cornouaille, où il est honoré sous le nom de Tudi[30]. En tout état de cause[31], il n’est nullement certain que l’auteur de la vita moyenne, même et surtout s’il s’agit de l’évêque Martin comme le suggère H. Guillotel[32], avait cherché à capter au profit de Tréguier le lustre attaché à la carrière d’un prélat qui aurait occupé le siège épiscopal d’une ancienne civitas gallo-romaine : d’une part, en effet, l’évêque Martin, comme on l’a vu, avait choisi, au début de sa carrière, de s’intituler « évêque des Osismes » et, s’il convient de reconnaître en lui l’hagiographe, ce choix montre à l’évidence qu’il n’était pas question pour lui d’une « récupération » directe de l’épiscopat de Tugdual à Lisieux, auquel cas il eût fait évidemment référence dans sa propre titulature à la civitas Lexoviensis ; d’autre part, il n’est nullement avéré que le saint Tugdual honoré à l’époque à Lisieux ait occupé le siège épiscopal du lieu[33], ni même qu’il fût évêque et d’ailleurs l’auteur de la vita moyenne a fait montre sur toutes ces questions d’une remarquable discrétion.
II
C’est la juxtaposition à l’intérieur du même acte des titulatures revendiquées par Martin de Tréguier (Martinus Auximorum) et Martin d’Alet (Martinus Dialetum) qui permet de saisir par quel enchaînement les sièges épiscopaux de Bretagne, autres que ceux de Nantes, Rennes et Vannes pour lesquels il n’existait pas de solution de continuité avec la situation tardo-antique, se sont inscrits, vers le milieu du XIe siècle, dans le prolongement des cités armoricaines du bas Empire. C’est à Martin de Tréguier, ancien chapelain du comte d’Anjou, présent dès 1054 avec l’évêque d’Angers aux côtés de l’archevêque de Tours lors la dédicace de l’abbatiale de Cormery où il est qualifié « évêque des Bretons » (Martino Britannorum praesule)[34], que revient d’avoir initié cette démarche afin de satisfaire aux exigences du mouvement de réforme de l’Église : la papauté en effet a souhaité limiter et contrôler les érections d’évêché en se réservant leur autorisation ou, à défaut, en conditionnant leur légitimation à l’existence d’une ancienne cité gallo-romaine, dont la liste officielle figurait dans la Notitia. Le siège de Tréguier, résultant d’une subdivision diocésaine qui n’avait pas reçu la sanction de Rome, ne pouvait donc prétendre qu’à la seconde solution ; dès lors, il restait à déterminer de quelle civitas il pouvait avoir recueilli l’héritage : sans que nous en connaissions précisément les raisons, le choix fut finalement arrêté, comme on l’a vu, sur celle des Osismes. Si, à l’instar des évêques de Léon[35], les évêques de Cornouaille ont pu être tentés de revendiquer un temps l’héritage de la civitas des Osismes, comme il se voit dans la vita de Menou [BHL 5931][36], le choix de Martin de Tréguier les a finalement incités à remplacer dans leur titulature Cornugalliensis par Corisopitensis[37], forme jusqu’alors inconnue sur place : son succès, dont témoigne son emploi dans la vita de Conwoion, comme on l’a vu, fut à l’origine de l’interpolation à la même époque dans les Gesta sanctorum Rotonensium du toponyme Corisopiti pour localiser le siège de l’évêque Félix[38] ; du coup, les évêques d’Alet, empêchés de recourir à la tradition de la civitas des Coriosolites, dont ils étaient pourtant les héritiers légitimes, ont préféré reconnaître dans le nom de leur siège un avatar de celui de l’ancienne cité des Diablintes, dont l’importante capitale, Jublains, n’avait pas connu l’établissement d’un évêché au bas Empire.
On aura noté que sont laissées dans l’ombre les origines de l’évêché de Saint-Brieuc : c’est peut-être du côté d’une ancienne circonscription carolingienne du Poitou, le pagus Briocensis, que les évêques du lieu étaient allés chercher, sans véritable succès, une forme de légitimité[39]. Au demeurant, l’époque de la composition, à Angers, de la vita du saint éponyme [BHL 1463-1463a][40] n’est pas établie avec certitude : J.C. Poulin souscrit à la datation traditionnelle vers le milieu du XIe siècle[41] ; mais il n’y a aucun inconvénient à abaisser jusqu’à la seconde moitié du XIIe siècle, après la publication de la vita longue de Tugdual, le texte du ms de Rouen que S. Morin suppose être la réécriture de l’ouvrage primitif et dans laquelle l’hagiographe de Brieuc ‘règle ses comptes’ avec celui de Tugdual[42], en décrivant comment le monastère de Tréguier, fondé par Brieuc et par lui confié à son neveu Tugdual, avait fait l’objet d’une véritable spoliation au profit de ce dernier. Nous ne connaissons pas les raisons précises d’une telle animosité ; mais elles ressortissent très certainement à la nature de ces deux évêchés, que leur création tardive, dans des conditions manifestement jugées irrégulières d’un point de vue canonique, privait a priori de légitimité et condamnait par là même les prélats qui présidaient à leur destinée à une semi-reconnaissance en tant que simples suffragants de Dol, dont le statut métropolitain était lui-même fort discuté.
De plus, l’évêque de Tréguier avait sans doute à batailler contre celui de Léon, qui avait fait les frais de la territorialisation de son diocèse : la vita longue de Tugdual évoque d’ailleurs à plusieurs reprises ces aspects de limites diocésaines et souligne notamment le rôle joué par les reliques tugdualiennes dans un miracle opportunément intervenu à Plouigneau, aux confins occidentaux de l’évêché, à l’occasion d’un déplacement sur place de l’évêque Martin[43]. Déjà, à l’occasion de la composition de la vita moyenne, ce prélat, en soulignant que la fondation du siège de Tréguier avait été voulue par Childebert et en situant à Paris, capitale du royaume franc, la consécration épiscopale de Tugdual, avait présenté les deux diocèses comme des entités comparables et établi une véritable parité entre leurs fondateurs ; mais au-delà de ces emprunts à Wrmonoc, auteur de la vita carolingienne de Paul Aurélien [BHL 6585][44], l’évêque Martin a cherché à établir de manière péremptoire et irréfragable la légitimité de son siège épiscopal à l’encontre de ses possibles adversaires : c’est ainsi que, par une invention inouïe, peut-être fondée sur des considérations philologiques dont il devait être maladroitement rendu compte dans sa vita longue[45], Tugdual est même présenté comme ayant occupé la chaire de Pierre pendant deux années[46].
III
L’histoire des évêchés bretons a donc fait l’objet au XIe siècle d’une véritable ‘réinterprétation’ au profit du siège occupé par un prélat influent, dont la riche bibliothèque pouvait contenir un manuscrit de la Notitia Galliarum[47] ; mais, au-delà de la satisfaction d’ambitions personnelles, au-delà même d’une volonté de mise en conformité avec les nouvelles règles édictées dans le cadre de la réforme de l’Église, il s’agit de la première étape d’une démarche véritablement idéologique dont les ultimes développements s’observent au XVe siècle, à l’occasion du conflit qui opposa durablement l’évêque de Nantes, le duc de Bretagne et le roi de France sur le sujet de la régale[48]. Cette démarche est d’autant plus importante à connaître et à comprendre qu’elle a longtemps occulté le véritable processus de formation du réseau diocésain, qui, même à l’ouest de la péninsule où s’étaient établies les populations bretonnes, s’est sans doute déroulé en empruntant à ses débuts le schéma d’organisation territoriale antérieur[49].
©André-Yves Bourgès 2010


[1] B. TANGUY, « Des cités et diocèses chez les Coriosolites et les Osismes », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. 113 (1984), p. 112.
[2] IBIDEM, p. 113.
[3] H. GUILLOTEL, « « Genèse de l’Indiculus de episcoporum depositione », LAURENT C., MERDRIGNAC B. et PICHOT D. [éd.], Mondes de l’ouest et villes du monde : regards sur les sociétés médiévales. Mélanges en l’honneur d’André Chédeville, Rennes, 1998, p. 129-138.
[4] J. SIRMOND, « Quomodo Nomenoius tyrannus Brittonum de quatuor episcopatibus fecit septem, tempore Karoli Calvi regis Francorum », Karoli Calvi et successorum aliquot Franciae regum capitula in diversis synodis ac placitis generalibus edita, Paris, 1623, p. 132-134.
[5] IBIDEM, p. 132 : Nomenoius valde superbus urbem Namneticam, Redonicam, ac etiam Andegavense territorium et Cenomannense usque Meduanam invasit.
[6] C.J. BRETT, The Monks of Redon. Gesta sanctorum Rotonensium and Vita Conwoionis, Woodbridge, 1989, p. 101-219.
[7] J. SIRMOND, « Quomodo Nomenoius.. », p. 134 : (…) ex quatuor episcopatibus septem composuit. Quorum apud Dolum monasterium, unum constituit, quem archiepiscopum fieri decrevit. Monasterium vero S. Brioci sedem constituit episcopalem. Similiter etiam S. Rabutuali.
[8] IBID., p. 54 : qui sedes fuit episcopi Trecorensis.
[9] R. MERLET, La chronique de Nantes (570 environ-1049), Paris, 1896 (Collection de textes pour servir à l'étude et à l'enseignement de l'histoire, 19), p. 31-39.
[10] IBIDEM, p. 39 : (…) in monasterio Doli, qui tunc temporis erat ex diocesi Dialentensis ecclesiae.
[11] H. GUILLOTEL, « « Genèse de l’Indiculus de episcoporum depositione », p. 137.
[12] C.J. BRETT, The Monks of Redon, p. 221-245.
[13] IBIDEM, p. 239, § 9.
[14] H. GUILLOTEL, « Le temps des rois VIIIe-Xe siècle », CHÉDEVILLE A. et GUILLOTEL H., La Bretagne des saints et des rois Ve-Xe siècle, Rennes, 1984, p. 191-408, a donné (p. 266-273 et 304-313) un solide résumé de la question, qui dispense de retourner aux sources. La consultation des travaux d’érudition de L. LEVILLAIN, « Les réformes ecclésiastiques de Nominoë (847-848). Étude sur les sources narratives », Le Moyen Âge, 2e série, t. 6 (1902), p. 201-257, F. LOT, Mélanges d’histoire bretonne (VIe-XIe siècle), Paris, 1907, p. 58-96 (« Le schisme breton du IXe siècle. Étude sur les sources narratives : Chronique de Nantes, Gesta sanctorum Rotonensium, Indiculus de episcoporum Brittonum depositione »), et F. DUINE, « Le schisme breton. L’Église de Dol au milieu du IXe siècle d’après les sources », Annales de Bretagne, t. 30 (1914-1915), n°3, p. 424-468, demeure très utile.
[15] J. SIRMOND, « Quomodo Nomenoius… », p. 133 : Subsannum Venetensem, Salaconem Aletensem, Felicem Coriopitensem, Liberalem Oximensem episcopos ; pour sa part, le Chronicon Namnetense donne respectivement Susannum Venetensem, Saloconem Dialetensem, Felicem Corisopitensem et Liberalem Ocismorensem (R. MERLET, La chronique de Nantes, p. 38).
[16] A.-Y. BOURGÈS, « Noms anciens de Carhaix et Corseul : onomastique et hagiographie », en ligne à l’adresse http://andreyvesbourges.blogspot.com/2010/04/noms-anciens-de-carhaix-et-de-corseul.html [consulté le 9 octobre 2010].
[17] R. MERLET, La chronique de Nantes, Introduction, p. LIII-LV.
[18] L. LEVILLAIN, « Les réformes ecclésiastiques de Nominoë », p. 218.
[19] F. LOT, Mélanges d’histoire bretonne, p. 83, n. 1.
[20] F. DUINE, La métropole de Bretagne. Chronique de Dol, composée au XIe siècle, et catalogues des dignitaires jusqu'à la Révolution, Paris, 1916, p. 17, n. 23.
[21] P. LABBÉ, G. COSSART, N. COLETI, G.D. MANSI, D. PASSIONEUS, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, t. 19, Venise, 1774, col. 843-844 : Martinus Auximorum, item Martinus Dialetum. Le nom de Martin d’Alet est immédiatement suivi de celui de Martin du Mans (item Martinus Coenomannicorum) ; mais ce dernier prélat ne figure pas sur les listes épiscopales que nous avons consultées (voir notamment L. DUCHESNE, Catalogues épiscopaux de la province de Tours, Paris, 1890, p. 35-52).
[22] U. CHEVALIER, Cartulaire de l'abbaye de Saint-Barnard de Romans (Première partie 817-1093), Romans, 1898, p. 126, n. 8 ; H. GUILLOTEL, « Le dossier hagiographique de l’érection du siège de Tréguier », Bretagne et pays celtiques. Langues, histoire, civilisation. Mélanges offerts à la mémoire de Léon Fleuriot 1923-1987, Saint-Brieuc-Rennes, 1992, p. 217.
[23] A. DE LA BORDERIE, « Saint Tudual. Texte des trois Vies les plus anciennes de ce saint et de son très-ancien office publié avec notes et commentaire historique », Mémoires de la Société archéologique des Côtes-du-Nord, 2e série, t. 2 (1886-1887), p. 86-93.
[24] IBIDEM, p. 93-117.
[25] F. LOT, Mélanges d’histoire bretonne, p. 436 : Paulus vero Oxismorum ecclesiae praefuit episcopus.
[26] A. DE LA BORDERIE, « Saint Tudual », p. 105, § 17.
[27] Cette civitas est encore anonyme dans la vita de saint Efflam, ouvrage qui doit donc avoir été composé à la fin du XIE ou au début du XIIe siècle, entre la vita moyenne et la vita longue de saint Tugdual. Il est clair en tout cas que dès cette époque les ruines du Yaudet étaient désignées par le nom de civitas. Nous supposons que ce lieu avait été, aux temps carolingiens, le siège d’un concurrent du prélat installé à Saint-Pol-de-Léon ; mais c’est l’établissement sur place d’un des deux archidiacres de l’évêque de Tréguier – sans doute au début du XIIIe siècle, au moment où, dans tous les diocèses de Bretagne, se « territorialise » le pouvoir exercé par les archidiacres – qui est à l’origine de la légende proprement dite de l’évêché apostolique de Lexobie.
[28] A. DE LA BORDERIE, « Saint Tudual », p. 91, § 12.
[29] IBIDEM, p. 340-341.
[30] B. TANGUY, « Hagionomastique et histoire : Pabu Tugdual alias Tudi et les origines du diocèse de Cornouaille », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. 115 (1986), p. 117-132. D’après le martyrologe d’Exeter, du XIIe siècle, un saint Tudi (Tudius) était fêté le 9 mai à Vindicinum (sans doute Vendôme).
[31] Il nous faut ici infléchir quelque peu les conclusions auxquelles nous étions précédemment parvenu : A.-Y. BOURGÈS, « L’expansion territoriale des vicomtes de Léon à l’époque féodale », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. 126 (1997), p. 362 et n. 36.
[32] H. GUILLOTEL, « Le dossier hagiographique de l'érection du siège de Tréguier », Bretagne et pays celtiques. Langues, histoire, civilisation. Mélanges offerts à la mémoire de Léon Fleuriot (1923-1987), Saint-Brieuc-Rennes, 1992, p. 220.
[33] Son nom ne figure pas dans la liste des prélats ayant siégé à Lisieux ; mais L. DUCHESNE, Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, t. 2, Paris, 2e éd., 1910, souligne (p. 235) que « de tous les catalogues normands, celui de Lisieux est le plus incomplet ». P. LAJOYE, Religions et cultes à Lisieux, dans l'Antiquité et au haut Moyen Âge (Ier-VIe siècles), s.l., 2008, p. 39, a proposé d’identifier Tugdual avec l’évêque Theudobaudis, qui est attesté aux années 538-549.
[34] J.-J. BOURASSÉ, Cartulaire de Cormery, Tours, 1861, p. 69.
[35] Cette revendication figure dans la vita de Gildas, déjà citée, et dans celle de Goustan [BHL vacat] dont les vestiges ont été publiés par A. OHEIX, Notes sur la vie de saint Gildas, Nantes, 1913 (Études hagiographiques, 9), p. 34-35.
[36] M. DEBARY, « La Vita Menulphi », Britannia Monastica, 6 (2002), p. 112-116. La datation de ce texte demeure discutée, entre la fin du Xe et le début du XIIe siècle ; mais il ne semble pas faire de doute qu’il a été composé pour servir de « mode d’emploi » des reliques du saint conservés à l’abbaye de Mailly en Bourbonnais, aujourd’hui la commune de Saint-Menoux (Allier).
[37] J. QUAGHEBEUR, La Cornouaille du IXe au XIe siècle. Mémoire, pouvoirs, noblesse, 1e édition, s.l. [Quimper], 2001, p. 179-182.
[38] Cette interpolation a finalement été reconnue en 1952, rendant dès lors caducs tous les efforts d’érudition déployés jusque là « pour déduire de cette appellation des précisions sur les origines de l’évêché de Quimper » : cf. B. MERDRIGNAC, Recherches sur l’hagiographie armoricaine du VIIe au XVe siècle, t. 1, s.l. [saint-Malo], 1985, p. 21. Comme le souligne J.C. POULIN, « Le dossier hagiographique de saint Conwoion de Redon. A propos d’une édition récente », Francia, t. 18 (1991), n°1, p. 143, « en vérité, l’auteur des Gesta ne savait pas trop où asseoir l’évêque Félix, d’où sa présentation un peu vague (alium episcopum) ».
[39] Cette hypothèse nous a été inspirée par celle développée en son temps par le regretté H. Guillotel à propos des origines de la titulature episcopus Sancti Brioci substituée à celle episcopus Briocensis ; mais elle en prend respectueusement l’exact contrepied. Nous pensons qu’une confusion documentaire analogue pourrait être également à l’origine de la tradition relative à l’exil, sous le règne de Pierre de Dreux, de Guillaume Pinchon auprès du prélat qui siégeait à Poitiers, dont, selon sa vita, l’évêque de Saint-Brieuc était alors devenu l’auxiliaire : l’immense diocèse de Poitiers était divisé en trois archidiaconés plus étendus que bien des évêchés et dont l’un, le Briançais, avec son chef-lieu à Brioux, était désigné, comme le pagus carolingien auquel il avait succédé, par le même adjectif toponymique que celui qui se rapporte au diocèse de Saint-Brieuc (Briocensis). Un acte de 1200 passé entre l’évêque de Poitiers et l’abbaye de Maillezais nous a d’ailleurs conservé le souvenir d’un certain W[illelmus] Briocensis archidiaconus, qui a pu inspirer à l’hagiographe l’idée de cette ‘coadjutorerie’ poitevine attribuée au futur saint Guillaume.
[40] F. PLAINE, « Vita s. Brioci episcopi et confessoris ab anonymo suppari conscripta », Analecta Bollandiana, t. 2 (1883), p. 162-188 ; A. PONCELET, « Catalogus codicum hagiographicorum latinorum bibliothecae publicae Rothomagensis », Analecta Bollandiana, t. 23 (1904), p. 264-265.
[41] J.C. POULIN, L'hagiographie bretonne du Haut Moyen Âge. Répertoire raisonné, Ostfildern, 2009 (Beihefte der Francia, 69), p. 77.
[42] S. MORIN, « Réflexion sur la réécriture de la Vie de saint Brieuc au XIIe siècle : Briomaglus, Primael et Brioccius au temps de la réforme grégorienne », Le pouvoir et la foi au Moyen Âge en Bretagne et dans l'Europe de l'Ouest. Mélanges en mémoire du professeur Hubert Guillotel, Rennes, 2010, p. 256-258.
[43] A. DE LA BORDERIE, « Saint Tudual », p. 116-117, § 34.
[44] C. CUISSARD, « Vie de saint Paul de Léon en Bretagne, d’après un manuscrit de Fleury-sur-Loire conservé à la bibliothèque publique d’Orléans », Revue celtique, t. 5 (1881-1883), p. 417-458.
[45] A. DE LA BORDERIE, « Saint Tudual », p. 106-107, § 20.
[46] IBIDEM, p. 88-89, § 6-7.
[47] Dans cette bibliothèque figurait notamment un homéliaire d’Haimon d’Haverstad, dont il est amplement question dans une lettre contemporaine de l’épiscopat de Martin, adressée à l’abbé de la Trinité par l’un de ses moines (C. METAIS, Cartulaire de l’abbaye cardinale de la Trinité de Vendôme, t. 1, Paris, 1893, p. 169-170).
[48] A.-Y. BOURGÈS, « Vicissitudes de la mémoire hagiographique bretonne au bas Moyen Âge : la fondation des évêchés en Bretagne », H. Bouget, A. Chauou et C. Jeanneau [dir.], Histoires des Bretagnes. 4. Conservateurs de la mémoire, p. 41-53.
[49] IDEM, « Corseul, Carhaix et l’activité métropolitaine de Perpetuus de Tours : archéologie, liturgie et canons conciliaires (Ve siècle)», Britannia monastica, n° 16 (2012), p. 11-39.

Le culte des Sept-Saints, les neuf évêchés de Bretagne et l’omphalos péninsulaire


S’efforçant de rendre compte de la formation du réseau des évêchés bretons, Pierre Le Baud, dans la première version de son ouvrage, mentionne de manière explicite, à propos de Corentin, de Patern et de Tugdual, les fameux « Sept Saints de Bretagne » qui sont présentés comme les fondateurs des évêchés bretons[1]. Ce culte collectif était attesté semble-t-il dès la fin du XIe siècle[2], ou plus sûrement au XIIe siècle[3], sans doute en relation assez étroite avec les derniers feux jetés par la métropole de Dol et il nous paraît significatif à cet égard que la géographie des attestations successives de cette dévotion, aux XIIIe et XIVe siècles, correspond aux zones d’influence respective de la maison d’Avaugour (dans le Trégor oriental et dans le Goëllo) et de la branche cadette de la maison de Dinan (dans le Trégor occidental et dans le Penthièvre), c’est-à-dire aux territoires diocésains de Tréguier et Saint-Brieuc dont les titulaires du siège épiscopal avaient été les ultimes suffragants de Dol ; mais la liste des saints concernés, qui sans doute à l’origine reflétait des traditions plus anciennes[4], demeura longtemps très incertaine[5]. Quant au « pèlerinage des Sept saints de Bretagne, que l’on appelle en langue vulgaire Tro Breiz, ce qui se dit en latin circuitus Britanniae », attesté vers 1400[6], sa nature reste problématique[7] voire même, à l’occasion, énigmatique, d’autant que — outre les autels qui leur étaient consacrés dans les cathédrales — les Sept-Saints étaient collectivement honorés dans des sanctuaires particuliers[8], qui sans aucun doute faisaient également l’objet de pèlerinages. En tout état de cause, à l’exception d’une formule très allusive dans la vita de Patern[9] et d’une interpolation dans un manuscrit insulaire de la vita de Malo par Bili[10], le corpus des textes littéraires relatifs aux saints bretons est muet sur ce culte et a fortiori sur ses aspects pérégrins[11].
Ce déficit d’évidence documentaire a encouragé Le Baud, qui a amplement puisé aux sources hagiographiques, à privilégier une « istoire des neuff sains [de Bretagne] » [12], inconnue par ailleurs, mais dont il n’y a pas de raison, eu égard à la probité de l’historien, de suspecter l’existence ; on peut alors observer comment, à l’occasion de sa description de « la noble Église brette », Le Baud glisse alors insensiblement des patrons des diocèses aux territoires de ces derniers :
« Cette principaulté a neuff nascions particulières, desquelles chacun faict ung dioceze soubz singulière église cathedralle et si a glorieux patron, benoist confesseur de Jhesu-Christ ; mès il y a entre elles distincion merveillable, car troys sont devers Orient profferantes langue gallicque, troys devers Occident en tout usage parlans langue brette, et troys moyennes aieans mistement l’un et l’autre langaiges, qui distintement se extendent en une circuite qui est appelée la tour de Bretaigne. Par lesquelles neuf églises ainsi distintes en ces troys différences est demonstrée par disposicion la noble église brette avoir semblance et exprès carathère de Jérusalem la céleste église triomphante, icelle aiant IX ordres trois foys ternées par gérarchies, l’une basse, l’autre moyenne et l’autre haulte, différantes ainsi seullement que de la dite église brette sa fille »[13].
Désormais, les histoires particulières des différents nations bretonnes sont confondues dans l’histoire générale de la Bretagne et les neuf évêchés, pendant institutionnel des neuf baronnies instituées par les ducs, constituent la véritable armature du duché, dont ils distribuent l’espace à l’instar de l’horloge qui découpe le temps :
« Et sont leurs citez ordonnées en manière de tentes et pavillons, qu’on dit en latin castra, et ainsi situées que, à estre à la ville et chapelle de la Trinité, que aucuns disent estre le poinct et centre de celle circonférence et laquelle donne grande décoration à nostre hiérarchie, la cité des Maclovienses, que l’on nomme S. Maclou, donneroit le premier ray de lumière en l’aube du jour au temps de l’équinoxe, Dol le naissement du soleil, Rennes l’heure commune de prime, Nantes celle de tierce, Vennes le vray midy et Kempercorentin, c’est celle des Corisopitenses nommée vespertine ; et les autres trois cachent le soleil devers Acquillon. Derechef sont ainsi ordonnées que jouxte l’horloge d’Achas, la ligne Tegu cherroit sur l’Église de Chasteaupaul en Leonense, celle de minuict sur Trecorense et l’office matutinalle et premier chant du cocq sur celle des Briocenses, qu’on nomme Sainct Brieuc en Painthièvre » [14].
C’est donc « à la ville et chapelle de la Trinité » qu’il convient de localiser, selon Le Baud, l’omphalos péninsulaire, le centre géographique du duché : cette précision est d’autant plus intéressante qu’elle est sans doute empruntée à une source plus ancienne, car la géographie du vieil historien breton est essentiellement d’origine livresque[15] ; mais elle pourrait également faire écho à quelque information contemporaine recueillie par Le Baud à l’occasion de son tour de Bretagne des archives ducales[16]. De quel lieu s’agit-il ? Tout désigne la petite ville de la Trinité-Porhoët, dont le prieuré, dépendant de l’abbaye Saint-Jacut, aurait succédé sur place à une résidence supposée du roi Judicaël[17] : située à proximité de la voie antique de Vannes à Corseul, cette bourgade, au cœur des possessions des vicomtes de Rohan, accueillait au XVe siècle un grand nombre de pèlerins à l’occasion de la fête patronale, qui, comme il se voit souvent, était doublée, depuis le XIIIe siècle au moins, d’une foire renommée[18]. C’est dans un tel contexte marqué par l’idéologie familiale des Rohan[19], que cette légende ‘omphalique’ a pu prendre naissance ; mais il n’est pas sans intérêt de rappeler les premières lignes du récit de l’hagiographe à propos du songe de Judaël, père de Judicaël : vidit in sompnis montem excelsissimum esse constitutum in medio sue regionis Britannie, id est in umbilico, per quem ambulandi callis difficilis inveniebatur. Et ibi, in cacumine montis ipsius in cathedram eburneam seipsum consedentem. Et in conspectu ejus erat stans postis mire magnitudinis in modum columpne rotunde, etc (« Il vit en songe une très haute montagne, qui s’élevait au milieu de son royaume de Bretagne, c'est-à-dire en son ombilic, sur laquelle se trouvait un sentier difficile d’accès ; et, là, tandis qu’il était assis dans une chaire d’ivoire au sommet de la montagne, se dressait devant ses yeux un poteau en forme de colonne ronde, d’une hauteur étonnante »)[20]. Si le point culminant de la Trinité-Porhoët, à quelques 145 m d’altitude, ne peut être désigné comme « une très haute montagne » que de manière hyperbolique, le plateau où est située la petite ville se dresse de manière suffisamment abrupte au dessus de la rive gauche du Ninian pour impressionner l’hagiographe. Quant au poteau en forme de colonne ronde, d’une hauteur étonnante, il était, aux dires de l’écrivain, formé d’étain à sa base et d’or au dessus : nulle découverte archéologique locale n’en rappelle le souvenir, même lointain.
© André-Yves Bourgès 2010


[1] P. LE BAUD, Cronicques et ystoires des Bretons publiées par C. DE LA LANDE DE CALAN, Rennes, t. 2, 1910, p. 17, 135, 16 et 142.
[2] A. OHEIX, « Le culte des Sept Saints de Bretagne au Moyen Âge (notes et documents) », Bulletin de la Société d'Émulation des Côtes-du-Nord, tome 49 (1911), p. 12-13.
[3] IBIDEM, p. 16.
[4] S’il convient de ne pas négliger l’apport de la culture celte dans la formation de cette légende, sa plus ancienne strate pourrait bien être tourangelle, avec le succès du culte des Sept Dormants d’Éphèse, introduit localement au VIe siècle par Grégoire de Tours. Signalons également l’existence, aux XIe-XIIe siècles, d’un récit relatif aux Sept-Dormants de Marmoutier, présentés comme sept frères, disciples de saint Martin.
[5] A. OHEIX, « Le culte des Sept Saints de Bretagne », p. 14-15. — Au début du XVIe siècle la mémoire en était à nouveau perdue : ainsi le riche marchand Nicolas Coëtanlem, de la paroisse trégoroise Saint-Melaine de Morlaix, dictant son testament en 1518, se trompe-t-il dans l’énumération des saints concernés : certes, il connaît Paul Aurélien, Tugdual, Brieuc, Malo, Samson ; mais, omettant Corentin et Patern, il complète sa liste par un novus sanctus, saint Guillaume [Pinchon], honoré à Saint-Brieuc, et par saint Pierre de Nantes, lequel n’a rien de spécifiquement breton.
[6] J. DE LA MARTINIÈRE, « Le Tro Breiz à Vannes au XIVe siècle : conflits entre le chapitre et les paroissiens de Saint-Patern », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. 6/2 (1925), p. 159, n. 2 : peregrini qui… faciebant peregrinacionem Septem Sanctorum Britanie, que vulgaliter vocatur Trobreiz, quod latine dicitur circuitus Britanie.
[7] J.-C. CASSARD, « Le Tro-Breiz médiéval, un mirage historiographique ? », Hauts lieux du Sacré en Bretagne, Brest, 1997, p. 93-119. L’existence d’une gigantesque circumambulation à l’échelle de tout l’ouest de la péninsule bretonne, qui aurait entrainé sur la route, quatre fois par an, des dizaines de milliers de pèlerins, nous paraît assez peu probable : plus vraisemblablement, il s’agissait de pèlerinages topiques, chacune des cathédrales drainant à son profit les foules pérégrines à l’occasion de l’exposition des reliques de son fondateur.
[8] Sans prétendre à l’exhaustivité, il faut notamment signaler en Trégor la chapelle du Méné-Bré, en Pédernec, primitivement placée sous l’invocation des Sept-Saints de Bretagne et la chapelle du Stiffel, en Vieux-Marché, autrefois en Plouaret, édifiée seulement au début du XVIIIe siècle mais qui a succédé à un très ancien lieu de culte. Rappelons aussi le souvenir des Sept-Saints de Biconguy, dans l’ancien diocèse de Saint-Malo, le village des Sept-Saints en Trégornan, autrefois trève de Glomel, dans l’ancien diocèse de Quimper, et la chapelle placée sous leur invocation à Erdeven, dans l’ancien diocèse de Vannes.
[9] A. DE LA BORDERIE, Saint Patern, premier évêque de Vannes, Vannes, 1893, p. 8, n. 2. Voir THOMAS C. et HOWLET D. [éd.], « Vita Sancti Paterni: The Life of Saint Padarn and the Original Miniu », Trivium, vol. 33 (2003), p. 24-25 : Post haec tanta statuerunt sancti septem episcopatuum totius Letiae ut conuenirent in uno monte et confirmarent suam unitatem in perpetue mansuram. In qua sinodo Paternus multum ab inuidiosis et falsis fratribus fatigatus confirmans unitatem suam cum praecipuis sex sanctis et ille septimum secundum numerum septiformis gratiae extans timensque ne per intolerantiam illorum aliquo uel tenui modo irascetur, Letiam deserens Francos adiuit ibique in Domino obdormiuit decimo septimo Kalendarum Maii mensis. Comme nous l’a fait remarquer B. MERDRIGNAC à qui nous devons cette référence et que nous remercions bien vivement : « On dirait qu’il s’agit d’expliquer pourquoi Vannes est le seule fondation gallo-romaine à faire partie du circuit ».
[10] J.C. POULIN, L'hagiographie bretonne du Haut Moyen Âge. Répertoire raisonné, Ostfildern, 2009 (Beihefte der Francia, 69), p. 165, signale que cette version non identifiée nous est connue par un résumé de J. Leland, qui, entre autres épisodes inconnus par ailleurs, fait mention d’« une visite des Sept saints de Bretagne (Samson, Machu, Paternus, Courentinus, Paulus Aurelianus, Pabu Tutwallus, Briomalus) à la cour d’un roi Childebert, suivie d’une donation foncière par un certain Lupercus » ; même s’il est plus que probable qu’il s’agit là d’ « interpolations étrangères à Bili », elles n’en constituent pas moins les témoins de traditions littéraires fascinantes.
[11] Il ne nous paraît pas possible de retenir le témoignage de la vita IIa de saint Lunaire [BHL 4880], qui fait le récit d’une démarche de recours, démarche somme toute classique, individuelle (ou tout au plus familiale), où le malade va demander sa guérison dans différents sanctuaires. La cohérence du déplacement est ici liée à l’attitude du demandeur, qui, ayant contrefait le lépreux auprès de Lunaire et s’étant attiré de ce dernier un miracle de châtiment, vient à nouveau implorer le saint au retour de sa vaine démarche pèlerine : en dépit de l’emploi du terme circuiens, qui n’est pas sans évoquer le circuitus Britanie (cf. supra n. 6), on peut donc envisager un simple aller-retour, mais avec des haltes dans plusieurs sanctuaires établis le long de l’itinéraire.
[12] P. LE BAUD, Chroniques et ystoires des Bretons, t. 2, p. 6.
[13] IBIDEM, p. 7. L’influence de Thomas d’Aquin est très perceptible dans la seconde version de l’ouvrage de P. LE BAUD : « Par lesquelles neuf églises ainsi divisées en trois différences, nous est démonstré par disposition que la noble Église de Bretagne à semblance et exprès charactère de Hierusalem, la céleste Église triomphante, laquelle a neuf ordres, trois fois ternés par hiérarchies, l’une basse, l’autre moyenne et l’autre haulte, avec diversité d’illuminations et de locutions, et est représentée par ceste, sa fille, par nombre novenaire party en trois coordinations ».
[14] P. LE BAUD, Histoire de Bretagne…, p. 5.
[15] J.-C. CASSARD, «« Un historien au travail : Pierre Le Baud », dans Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. 62, (1985), p. 87-88.
[16] Ce périple est attesté par son cahier de notes (ms Rennes, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 1 F 1003).
[17] F. LE LAY, « Une résidence de Judicaël, roi de Domnonée », Annales de Bretagne, t. 19 (1903), p. 21-28.
[18] IDEM, « La fête de la Trinité-Porhoët vers la fin du XVIIe siècle », Annales de Bretagne, t. 17 (1901-1902), p. 323-340.
[19] A.-Y. BOURGÈS, « Le dossier hagio-historiographique des Rohan (1479) : de Conan à Arthur et de saint Mériadec à saint Judicaël » en ligne à l’adresse http://www.hagio-historiographie-medievale.org/2007/11/le-dossier-hagio-historiographique-des.html.
[20] Chronicon Briocense § 163 (transcription inédite transmise par le regretté G. LE DUC ; la traduction est nôtre).

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